La France vient de prendre pour 1 an la présidence de la SUERA, la stratégie européenne pour la région alpine, avec un objectif affiché : accélérer la transition écologique en montagne.
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La Mer de Glace de Chamonix a reculé de 850 mètres en 25 ans
Une photo a bien fait réagir ces derniers jours. Celle de la mer de Glace, captée par une webcam de la station de Chamonix, qui ne ressemblait plus il y a quelques jours qu’à un enchevêtrement de cailloux. Une conséquence supplémentaire du réchauffement climatique, déjà à l’oeuvre dans les Alpes. Et les glaciers en sont les premières victimes. « Sur les 35 derniers années les glaciers ont perdu environ 1 mètre d’épaisseur par an, indique Christian Vincent, glaciologue au CNRS, à l’Institut des géosciences de l’environnement de Grenoble. C’est parfois beaucoup plus, comme cette année. La mer de glace a perdu 2.80 mètres d’épaisseur en 2019″. Une fonte, qui implique aussi par un net recul des fronts.
Effet dévastateur du #redoux et des 60 mm de pluies tombés ces deux derniers jours. La Mer de Glace près de #Chamonix laisse entrevoir de nombreux rochers ce 3 février… avant la tempête de neige de cette nuit et demain dans ce même secteur ! Source : https://t.co/tbeP89Ck5B pic.twitter.com/oe400EBp4s
— La Chaîne Météo (@lachainemeteo) February 3, 2020
« Celui de la mer de glace, par exemple, a diminué de 50 mètres en un an et de 850 mètres au cours de ces 25 dernières années ». Le glacier des Bossons a lui reculé d’ 1 kilomètre sur la même période. Ces dynamiques traduisent clairement l’impact du réchauffement climatique selon Christian Vincent : « Quand l’atmosphère se réchauffe, la fonte augmente et les glaciers se mettent à reculer à plus ou moins court terme. L’avantage des glaciers, c’est qu’ils donnent une image très visibles de l’évolution du climat. » Et les prévisions pour les prochaines années ne sont pas bonnes. Christian Vincent et ses collègues ont publié l’an passé une étude alarmiste sur les deux géants blancs des Alpes françaises.
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Les stations de moyenne montagne, menacées, vont devoir diversifier leurs activités
« On a fait des simulations sur le glacier d’Argentière et la Mer de Glace ; les deux plus grands glaciers des Alpes françaises. Si on se base sur un scénario de réchauffement modéré – c’est-à-dire à +3°C d’ici la fin du siècle – on peut dire que le glacier d’Argentière va disparaître complètement d’ici 2100 ». Mais 20% de la Mer de Glace subsisteraient car sa zone d’accumulation de neige est située plus en altitude. Reste que 90% des glaciers alpins pourraient fondre entièrement avant la fin du siècle ; certains avant 2060 ou 2070. Un bouleversent qui menace l’économie alpine, notamment celle des stations de ski ; bien que peu soient situées sur des glaciers (Tignes, les Deux-Alpes…). Les autres ne seront pas épargnées car l’épaisseur du manteau neigeux a tendance lui aussi à diminuer. Certaines stations sont ainsi obligées de repousser leur ouverture en début de saison, d’autres de fermer en été.
« S’il y aura toujours une variabilité importante de l’enneigement d’une année à l’autre, il y aura de moins en moins d’hivers très favorables », assure Hugues François, ingénieur de recherche à l’INRAE de Grenoble, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Les canons à neige ne permettent que de garantir l’exploitation et un certain nombre de jours d’ouverture de pistes. En somme, de capitaliser sur la neige tombée naturellement ; pas de la remplacer systématiquement. Selon le GIEC, l’enneigement moyen pourrait ainsi baisser de 10 à 40% d’ici 2050. Les stations de moyenne montagne, celles situées en dessous de 1500 mètres sont les plus menacées. La neige de culture réclame beaucoup d’eau et du froid pour la produire. Craignant le manque de ressources, les stations diversifient leurs offres et développent des activités culturelles et touristiques disponibles toute l’année. Des occupations, plus seulement liées à la ressource en neige.
Baptiste Gaborit