Les groupes TF1 et M6 ont abandonné leur projet de fusion suite aux conditions imposées par l’Autorité de la concurrence. Si les deux groupes sont encore en bonne santé, il leur faudra rapidement se renouveler pour résister face aux plateformes américaines.
Si le mariage avait eu lieu, TF1 et M6 auraient capté 75% du marché publicitaire télévisuel
Nos deux champions de la télévision gratuite voulaient unir leurs forces pour devenir incontournables. Avec la montée en puissance de Netflix, de YouTube ou d’Amazon Prime Video sur le marché audiovisuel, TF1 et M6 faisaient le constat d’être des géants à l’échelle française mais des nains à l’échelle mondiale. En se mariant, ils auraient eu plus de cartes en main pour résister aux colosses d’Hollywood, qui monopolisent de plus en plus les séries qu’ils produisent car ils n’ont plus besoin de distributeurs nationaux. Non seulement ils privent TF1 et M6 de contenus, mais ils viennent aussi les concurrencer sur le marché publicitaire, qui est en quelque sorte la vache à lait des chaînes de télévision gratuites. TF1 et M6 ont dû renoncer à cette union, car tout n’est pas permis dans une économie capitaliste comme celle de la France. Il y a des règles et surtout un gendarme de la concurrence : une autorité administrative indépendante qui se prononce sur les projets de fusion.
A lire aussi
L’Autorité de la concurrence n’a pas interdit le mariage mais elle a indiqué que la fusion donnerait naissance à un acteur de la télévision trop puissant sur le marché de la télévision gratuite. En termes de publicité, TF1-M6 aurait capté 75% du marché télévisuel. Pour autoriser le mariage, l’autorité anti-trust fixait une condition – appelée aussi un remède : obliger TF1 à revendre la chaîne M6 après avoir racheté le groupe possédé par l’allemand Bertelsmann. TF1 aurait pu garder W9 et la radio RTL, mais pas le principal actif qu’il convoitait. C’est pourquoi ils ont préféré renoncer.
TF1 et M6 n’ont pas toujours investi suffisamment ou pris des risques à cause de rentes confortables
A court terme, les effets ne seront pas significatifs. TF1 et M6 gagneront peut-être moins d’argent un jour, mais pour l’instant tout se passe bien pour eux. La concurrence est accrue dans l’audiovisuel, mais ce sont d’abord les petites chaînes qui en pâtissent. Les deux groupes ont encore plein d’atouts, il ne faut pas les enterrer. Mais si ces rois du gratuit ne trouvent pas un moyen de se réinventer à long terme et si le gouvernement ne change pas la loi pour augmenter leur production, le risque de déclin sera important. Ces groupes ont gagné beaucoup d’argent pendant des décennies. Ils n’ont pas toujours correctement investi ni pris de risques parce qu’ils étaient assis sur des rentes. Aujourd’hui, ils sont au pied du mur et le meilleur choix est souvent de se réinventer. Ce mariage était purement défensif : il leur reste la possibilité d’une stratégie plus offensive.
David Barroux
