Un peu plus de dix ans après la catastrophe de Fukushima, le Japon envisage de construire de nouveaux réacteurs nucléaires. Un revirement pragmatique dans un pays qui veut garantir sa souveraineté énergétique. Mais relancer l’atome sera coûteux et complexe.
D’ici 2030, de nouveaux réacteurs nucléaires pourraient être construits et ceux existants relancés
Après le drame d’Hiroshima en 1945 et la catastrophe de Fukushima en 2011, on aurait pu s’imaginer un Japon traumatisé à vie par l’énergie nucléaire. Mais hier, le Premier ministre Fumio Kishida a affirmé que le Japon doit accélérer sur la relance des réacteurs existants, en partie à l’arrêt depuis le tsunami d’il y a 11 ans. Il veut aller encore plus loin : investir dans de nouveaux réacteurs qui pourraient être opérationnels d’ici 2030. Le Japon essayerait en quelque sorte de refermer la parenthèse de Fukushima en redevenant une grande puissance du nucléaire civil. Comme en Allemagne ou en Belgique où on se pose la même question aujourd’hui, ce virage à 180 degrés traduit une forme de pragmatisme. L’équation énergétique du Japon est simple : 120 millions d’habitants avec une forte industrie et pas une seule source d’énergie fossile au niveau domestique. Un investissement massif dans les renouvelables pourrait être à l’étude mais il nécessiterait du temps, de l’argent et des défauts demeurent – notamment l’intermittence. Le pays importe pour le moment du gaz et du pétrole. Or, dans le contexte actuel, les hydrocarbures sont chers et l’accès n’y est pas garanti.
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Le nucléaire représente moins de 5% de la production électrique contre plus de 30% avant le tsunami
Pour une île comme le Japon, relancer le nucléaire est finalement une question de souveraineté. Avant la catastrophe de Fukushima, une cinquantaine de réacteurs existaient dans le pays, un peu comme la France. Aujourd’hui, il n’y en a plus qu’une dizaine qui ont été vraiment remis sur pied. Et le nucléaire représente moins de 5% de la production électrique contre plus de 30% avant le tsunami. Attendre était raisonnable dans un monde stable, mais désormais, cela devient intenable. Relancer le parc existant est donc une question politique et sociétale, et il faudra convaincre la population. Lancer une nouvelle génération de centrales plus sûres est coûteux et très complexe – on l’a vu en France avec l’EPR. Mais le Japon a de l’argent, des industriels, un écosystème atomique même et un marché domestique. S’il décide de le faire, il ne part pas de zéro. Et contrairement à d’autres, le Japon n’a jamais dit qu’il voulait totalement sortir de l’atome.
David Barroux