J.M.G. Le Clézio sort « Avers », l’écrivain culte est l’invité de Frédéric Beigbeder sur Radio Classique

BALTEL/SIPA

C’est un invité exceptionnel que Frédéric Beigbeder a reçu dans son émission Conversations d’un enfant du siècle chez Lapérouse ce 10 février. Le prix Nobel de Littérature 2008 J.M.G. Le Clézio a accepté de participer à cette émission, à retrouver en intégralité en fin d’article.

 

J.D Salinger est une grande source d’inspiration pour J.M.G. Le Clézio

Vous vous prénommez Jean-Marie Gustave mais vous avez choisi J.M.G. Le Clézio. Est-ce que vous avez emprunté cette idée à J.D. Salinger, une idole que nous avons en commun ?

Lorsque j’ai commencé à exister pour les éditions, j’étais britannique. Sur mon passeport il y avait écrit J.M.G. Le Clézio, j’ai donc choisi de garder cette appellation.

Vous publiez un recueil de nouvelles, Avers : Des nouvelles des indésirables chez Gallimard, qui met en scène des personnes en marge de la société. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’avers ? Il me semble que c’est le bon côté de la médaille non ? 

Oui, bon ou mauvais selon l’optique que l’on prend parce que le bon côté peut aussi être mauvais et le mauvais peut être le bon. Je pense que l’on a deux côtés, deux visages. Nous ne sommes pas une seule personne et j’aimais beaucoup ce mot que je connais depuis longtemps et que j’aimais. J’ai été obligé, dans la première nouvelle, de faire intervenir une pièce de monnaie parce qu’il fallait que je justifie ce titre. Un crabe a donc trouvé une pièce d’or. 

 

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J’avais échafaudé une autre théorie. L’avers est sur une pièce de monnaie, le côté face où il y a un visage. Je me suis dit que vous aviez voulu donner, dans ces textes, un visage à des migrants, des personnes défavorisées qui se battent, qui déménagent, qui tentent d’améliorer leurs conditions de vie. 

Il y a de ça, et il y a aussi le fait que quand je joue à pile ou face, en général je choisis toujours face. 

Vous vous définissez comme un écrivain mauricien de langue française, pourquoi ? Vous êtes pourtant né à Nice et vous y vivez encore aujourd’hui. 

Je suis profondément Niçois mais j’ai voulu trouver la définition qui s’appliquait le mieux à ce que je pense, à ce qui a servi à me faire. Il y a d’abord la nationalité britannique, puis l’appartenance à la mauricianité car mes parents sont Mauriciens. J’ai été élevé comme un Mauricien et non pas comme un Niçois. Finalement, j’ai eu envie de devenir Niçois. Je me suis vraiment efforcé de m’adapter à cette ville de Nice qui était, à l’époque de mon enfance, une ville assez exigeante. On n’aimait pas trop les étrangers bien qu’il y ait une promenade des Anglais, une église russe… A Nice, on aimait bien les Niçois et on tolérait peut-être un peu les gitans, mais pas trop les Mauriciens.  

 

Enfant, J.M.G Le Clézio jouait Robert Schumann au piano

Ce livre Avers peut-il être considéré comme une suite à Mondo, un autre recueil de textes que vous aviez publié en 1978 ? Cet ouvrage concernait également des anti-contes de fées en quelque sorte, avec souvent des enfants migrants. Dans beaucoup de vos livres, il y a des héroïnes. Souvent, ce sont des enfants qui déménagent, qui voyagent. Je pense à Désert notamment, qui est peut-être votre plus grand succès. C’est une obsession pour vous, d’essayer de vous mettre dans la peau de ces gens d’un autre monde, qui tentent de quitter la nature vers la ville ?  

J’ai été passionné par Jerome David Salinger et For Esmé, Love and Squalor. C’est un livre qui m’a complètement bouleversé et c’était à l’époque du Nouveau Roman. Quand j’ai ouvert ce livre, j’ai respiré. Je me suis dit qu’il n’y avait pas que le Nouveau Roman, il y avait aussi de vrais écrivains. Salinger se met très bien dans la peau des enfants. Il aime les faire parler et être dans leurs têtes. J‘ai vraiment voulu l’imiter. C’est peut-être finalement le J.D qui m’a inspiré pour mon nom. J’ai appris en lisant la quatrième de couverture du livre en anglais, qu’il disait dans un accès de sincérité à son éditeur : « J’habite dans une cabane au fond du jardin où j’écris, mais je vis le reste de ma vie dans une maison avec ma femme et mon chien ». 

 

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Vous dites sur la quatrième de couverture de votre livre Avers : « Pour moi l’écriture est avant tout un moyen d’agir, une manière de diffuser des idées ». C’est une sorte de définition de ce qu’est la littérature engagée non ? 

J’ai envie de revenir à J.D Salinger puisqu’il m’a beaucoup inspiré. Dans les années 70, il y a quelques auteurs, comme lui, qui ont décidé non pas d’explorer les profondeurs de l’âme, comme ce qui se faisait à l’époque, mais plutôt d’explorer le monde, le monde réel, c’est-à-dire l’étude des mouvements de façon presque chirurgicale. D’où, ce goût pour la phrase incisive qui raconte une action.

Votre choix musical, J.M.G. le Clézio, c’est Robert Schumann, « Trallerliedchen » (humming song)

En français, on dirait : une chanson pour fredonner. C’est une pièce merveilleuse. Ma mère jouait cette pièce parce que, comme j’essayais de jouer du piano et qu’elle constatait que je n’étais pas très bon, elle a fait acheter le cahier des morceaux pour la jeunesse de Schumann. Il y avait ce morceau qui est tellement simple, mais quand il entre dans votre tête, il n’en sort plus. 

 

 

Ecoutez l’interview de J.M.G. Le Clézio en intégralité :

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