Françoise Giroud, qui fut secrétaire d’État dans le 1er gouvernement de Jacques Chirac en 1974, disait « La plupart des hommes politiques lisaient Play Boy en le cachant dans un livre de poésie, Jacques Chirac, lui, mettait son recueil de poésie dans Play Boy ». Il est vrai que l’ancien président est toujours resté discret sur ses goûts et ses engagements artistiques et culturels. Ne disait t-il pas : « Passer pour un inculte me convenait très bien ! ».
L’engagement de Jacques Chirac pour la diversité culturelle
Si le bilan culturel de son prédécesseur François Mitterrand s’est imposé par sa qualité et par l’engagement et la force de persuasion de son initiateur, celui de Jacques Chirac sera dévoilé avec plus de pudeur et salué bien après ses 12 années à la tête du pays. Et pourtant ce bilan se révèle conséquent : Musée du Quai Branly, pavillon des Sessions, rénovation du musée Guimet, création du département des arts de l’Islam au Louvre, musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, Cité de l’immigration, du Centre Pompidou Metz et du Louvre Lens… Mais c’est surtout son engagement pour la défense de la diversité culturelle et de la promotion du dialogue des cultures qui auront marqué ses deux mandats.
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Jacques Chirac et le dialogue des cultures
C’est en novembre 1999 que Jacques Chirac réunit à l’Élysée 150 artistes et créateurs auxquels il souhaite exposer sa position sur la diversité culturelle que la France s’apprête à défendre dans le cadre de la conférence ministérielle de Seattle sur les prochaines négociations multilatérales au sein de l’OMC. Son discours sera fondateur de la politique culturelle qu’il mettra en œuvre et défendra jusqu’à la fin de ses mandats. Extraits :
« Il n’y a pas, naturellement, une culture et une seule dans un pays, mais il y a une texture, une identité, qui font reconnaître la France à l’extérieur de ses frontières comme tout autre pays. Cette identité, ouverte et mouvante, doit beaucoup, doit l’essentiel à vos exigences, à vos talents, comme elle doit beaucoup à la longue chaîne des talents qui vous ont précédés. Entre le poète d’hier et le musicien d’aujourd’hui, qui emprunte parfois les chemins les plus nouveaux. Entre le dramaturge du XVIIe siècle et du cinéaste, qui filme au plus près de ses émotions et de ses envies, rien de commun à première vue, si ce n’est une appartenance spirituelle, la reconnaissance de certaines valeurs qui fondent, depuis plus de deux siècles, le message de la France. Message d’ouverture, message de respect de l’autre, message de tolérance. Mais au-delà de cette fidélité à une forme d’héritage, dans la lignée des défricheurs, des aventuriers de notre culture, il y a la quête inlassable de la création, la curiosité, le désir, la volonté d’ouvrir des voies, dans un esprit d’indépendance, de liberté et de risque (…) La diversité culturelle, c’est l’idée que la richesse vient des différences reconnues et respectées. Que chaque continent, chaque nation, chaque peuple, doit conserver et développer ce qui fait son histoire, ce qui le rend singulier et d’une certaine façon irréductible : sa langue, son énergie créatrice, ses espaces imaginaires. C’est le refus de l’uniforme, du standardisé, du pré-formaté, de l’ersatz culturel mondial. C’est la conviction que l’oeuvre culturelle, dans toutes ses expressions et sous toutes ses formes, et même si elle a une dimension économique ou industrielle, n’est pas, ne peut pas être et ne sera jamais une marchandise comme une autre soumise aux seules lois du marché (…) Il s’agit simplement de rappeler qu’il ne peut y avoir diversité culturelle sans échanges, et qu’il ne peut y avoir d’échanges sans le respect de certains équilibres. »

Masque, Elema, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Musée du quai Branly
Philippe Gault