Léo Delibes fait partie de ces rares compositeurs dont la quasi-totalité des œuvres a été couronnée de succès. Il a gravi les échelons de la gloire un à un, et a triomphé dans trois genres différents, l’opérette, l’opéra et le ballet. La postérité a gardé quatre œuvres : la mélodie Les Filles de Cadix qui continue à faire les beaux jours des récitals, Coppélia et Sylvia qui ont donné à la musique de ballet une dimension symphonique, et l’opéra Lakmé qui a été traduit dans dix-neuf langues et a fait le tour du monde.
Léo Delibes en 10 dates :
- 1836 : Naissance à Saint-Germain-du-Val.
- 1848 : Entrée au Conservatoire.
- 1855 : Nommé accompagnateur au Théâtre Lyrique.
- 1856 : Premier succès avec l’opérette Deux sous de charbon ou le Suicide de Bigorneau.
- 1863 : Recruté à l’Opéra de Paris comme second chef des choeurs.
- 1866 : Participe à l’écriture du ballet La Source de Ludwing Minkus.
- 1870 : Triomphe du ballet Coppélia.
- 1876 : Création de son dernier ballet, Sylvia.
- 1883 : Triomphe de son opéra Lakmé.
- 1891 : Décès à l’âge de 55 ans.
Delibes entre de plein pied dans le monde musical à 11 ans
Léo Delibes naît le 21 février 1836 dans la Sarthe, dans la commune rurale de Saint-Germain-du-Val près de la Flèche. Son père, originaire de Toulouse, est employé des Postes, et sa mère, Clémence, est issue d’une famille musicienne, elle est la fille d’un baryton et la sœur de l’organiste de Saint-Eustache à Paris. Léo n’est âgé que de 11 ans lorsque sa vie va basculer, avec le décès soudain de son père. Clémence décide alors de quitter la Sarthe et de rejoindre sa famille à Paris, ouvrant à Léo les portes du milieu musical. Le jeune garçon étudie le chant à la Maîtrise de la Madeleine. Très vite il se distingue par la qualité de son timbre, ce qui lui vaut d’être recruté comme choriste à l’Opéra de Paris, où il participera à la création le 16 avril 1849 du Prophète de Meyerbeer.
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Delibes connait ses premiers succès grâce à un nouveau genre musical, l’opérette
L’année précédente, à 12 ans seulement, Léo a intégré le Conservatoire de Paris, où il étudie le piano, l’orgue, l’harmonium et la composition, cette dernière lui étant enseignée par Adolphe Adam, l’auteur du ballet Giselle, un genre musical que Delibes révolutionnera quelques années plus tard. Dans l’immédiat, il obtient un Premier Prix de Solfège, mais renonce, comme il aurait pu y prétendre, à concourir pour le prestigieux Prix de Rome, qui aurait pu lui ouvrir les portes de l’Opéra ou de l’Opéra-Comique. C’est en fait sur le tas que Delibes va devenir compositeur, et finir par entrer dans la cour des grands. Il est d’abord nommé à 17 ans organiste à Saint-Pierre de Chaillot, puis deux ans plus tard, en 1855, il entre comme accompagnateur au sein d’une jeune institution dynamique, le Théâtre Lyrique, boulevard du Temple. C’est au cœur de cette troisième scène parisienne, qu’il va participer aux créations de Faust de Gounod et des Pêcheurs de Perles de Bizet, mais aussi des Troyens de Berlioz.
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Delibes est à bonne école, et rapidement il va composer ses premières œuvres. A 20 ans, en février 1856, son opérette en un acte Deux sous de charbon ou Le Suicide de Bigorneau est créée avec succès. Au cours de l’été, il enregistre un second succès avec une autre opérette, Deux vieilles gardes, donnée dans le temple d’Offenbach : les Bouffes-Parisiens. Puis en décembre un troisième succès viens clore cette année prolifique, avec Six demoiselles à marier. À l’aube de ses 21 ans, Léo Delibes est déjà un compositeur consacré, et il va continuer à pratiquer régulièrement ce genre musical, écrivant une quinzaine d’opérettes et d’opéras-bouffes jusqu’en 1869.
Avec le triomphe de Coppélia, Delibes définit les nouveaux codes de la musique de ballet
La carrière de Delibes franchit un échelon supplémentaire, lorsqu’en 1863, il est recruté à l’Opéra de Paris comme second chef des chœurs. Entre deux répétitions et représentations, il continue à composer. Des opérettes, on l’a vu, mais aussi des mélodies, la plus célèbre étant Les filles de Cadix, Chanson Espagnole sur un poème d’Alfred de Musset. Mais c’est en abordant le ballet qu’il va acquérir un nouveau titre de gloire. On lui propose d’écrire les deuxième et troisième actes du ballet La Source de Ludwig Minkus, qui le soir de la première feront un triomphe, ce qui donnera lieu à de nouvelles commandes.
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C’est ainsi que va naître, le 25 mai 1870, le ballet Coppélia, qui va asseoir la renommée de Léo Delibes. À nouveau la création est un triomphe, le public applaudit cette musique qui dépasse son traditionnel rôle d’accompagnement de la danse, devenant un genre symphonique à part entière. Dès lors Delibes peut entièrement se consacrer à la composition. Après avoir conquis l’Opéra, il lui reste à triompher sur l’autre grande scène parisienne, l’Opéra-Comique. Il y fera son entrée le 24 mai 1873 avec Le Roi l’a dit. Ce n’est pas le triomphe de Coppélia, mais le succès est là, malgré tout, et l’ouvrage est donné pour une quarantaine de représentations.
Delibes entre à jamais dans l’histoire de l’opéra avec Lakmé, qui sera donné dans le monde entier
Léo Delibes reprend temporairement le chemin de l’Opéra, où sera créé son dernier ballet Sylvia, en 1876. Il s’autorise aussi un détour du côté de la Comédie-Française avec, en 1879, une musique de scène pour la pièce Ruy Blas de Victor Hugo. L’année suivante il est nommé professeur de composition au Conservatoire, tandis qu’il triomphe à l’Opéra-Comique avec un nouvel ouvrage, Jean de Nivelle, qui restera à l’affiche pour une centaine de représentations. C’est dans ce même théâtre que sera créée l’œuvre qui lui assurera à jamais la notoriété : Lakmé. L’idée de cet opéra est venue pendant un séjour à Vienne début 1881, au cours duquel il lit sur les conseils de ses librettistes un best-seller paru l’année précédente, Le Mariage de Loti de Pierre Loti. Delibes est séduit, le livret est rédigé dans le courant de l’année, et au printemps suivant Delibes écrit la partition, avant de partir pour Constantinople où il enrichit l’orchestration avec des musiques entendues sur place. Le 14 avril 1883 Lakmé est présenté, et fait un triomphe auprès d’un public amateur d’exotisme, qui fera bisser plusieurs morceaux. Ce succès va vite dépasser le cadre de l’Opéra-Comique, pas moins de dix-neuf traductions sont réalisées, et Lakmé part à la conquête du monde, de Rome à Buenos Aires, en passant par Genève, Prague, Saint-Pétersbourg, Londres ou encore Bruxelles et Lisbonne ainsi que Berlin, Francfort, Anvers et Budapest. Après Lakmé, Delibes, qui est par ailleurs élu à l’Académie des Beaux-Arts, entreprend un nouvel opéra, Kassya, qu’il ne terminera pas. Il meurt le 16 janvier 1891, un mois avant son 55e anniversaire. Il est enterré au cimetière de Montmartre, après une cérémonie à Saint-Roch, à laquelle participent tout ce que Paris compte de compositeurs, chanteurs, auteurs, professeurs du Conservatoire et directeurs de théâtre à l’époque.
Natalie Dessay dans « l’air des clochettes » de Lakmé
Jean-Michel Dhuez
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