Pour Beethoven, la Missa solemnis, composée entre 1818 et 1823, devait représenter la quintessence de sa conception de la musique sacrée. D’une grande complexité, elle est une source de fascination inépuisable. René Jacobs et l’Orchestre baroque de Fribourg en restituent la grandiose architecture.
Oeuvre profondément religieuse ou hymne fraternel, la Missa solemnis de Beethoven transcende toute catégorie par ses seules qualités musicales
Les nombreuses esquisses et autres ébauches témoignent du labeur acharné que la Missa solemnis – la seconde de son catalogue après la Messe en ut – exigea de la part de Beethoven. Celui-ci semble y avoir travaillé plus de trois ans. L’œuvre conserve un puissant ancrage dans le passé en même temps qu’elle s’inscrit dans la continuité de la messe symphonique viennoise, illustrée par Mozart et Haydn. Qu’on la considère comme une œuvre profondément religieuse ou comme un hymne fraternel adressé à l’humanité, la Missa solemnis transcende toute catégorie par ses seules qualités musicales.
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La partition, monumentale, a de quoi intimider les chefs d’orchestre : si un Karajan l’a enregistrée à mainte reprise, un Furtwängler l’étudia sans relâche toute sa vie… sans jamais la diriger.
Missa solemnis : Les quatre solistes gravissent cet Everest de la musique sacré, guidés par la ferveur du geste de René Jacobs
Comme on peut s’y attendre de la part d’un interprète issu du monde baroque, René Jacobs entend alléger l’œuvre de la massivité que les XIXe et XXe siècles y ont déposé, voyant dans la lourdeur des effectifs la raison principale de la réputation selon laquelle la Solemnis serait « inchantable ». Le travail rhétorique met en lumière les contrastes dynamiques et la symbolique latente : ainsi de l’obstination du Credo, avec une récitation persistante sur une seule note (matérialisation du fanatisme ?), ou de la douceur ineffable du Benedictus et son sublime solo de violon, qui souligne tout le mystère de l’Immaculée Conception. Le RIAS surmonte avec un aplomb extraordinaire les difficultés des parties chorales, tandis que l’Orchestre baroque de Fribourg colore d’une rugosité bienvenue (par la verdeur de ses timbres) les épisodes les plus dramatiques. Au diapason des instrument d’époque, les quatre solistes gravissent cet Everest de la musique sacré, guidés par la ferveur du geste de René Jacobs.
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Cet enregistrement publié par Harmonia Mundi dans la foulée d’une série de concerts se situe dans le prolongement naturel des recherches menées par le chef gantois sur l’œuvre de Beethoven et sur le Romantisme allemand : après sa version décapante de Leonore, le voici qui lorgne le Freischütz de Weber – dont il nous fera découvrir prochainement une version inédite – et le Requiem Allemand de Brahms…
Ludwig van Beethoven : Missa solemnis. Polina Pastirchak (soprano), Sophie Harmsen (alto), Steve Davislim (ténor), Johannes Weisser (basse), Chœur de chambre RIAS, Orchestre baroque de Fribourg, dir. René Jacobs (Harmonia mundi)
Jérémie Bigorie
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