Herbert Blomstedt : « Le niveau des orchestres d’aujourd’hui est bien plus élevé qu’il ne l’était à mes débuts »

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Véritable légende vivante, Herbert Blomstedt est le doyen des grands chefs d’orchestre en activité. À 94 ans, il témoigne encore d’un incroyable engagement musical. Le maestro s’est confié au micro de Laure Mézan dans le Journal du Classique et donné sa perception du monde musical d’aujourd’hui.

 

L’apprentissage de la musique serait bien meilleur aujourd’hui

Herbert Blomstedt dirige les plus grandes phalanges internationales depuis des décennies. Mais comment perçoit-il l’évolution du monde orchestral ? Le maestro affirme que le niveau des orchestres d’aujourd’hui est bien plus élevé qu’il ne l’était que lorsqu’il a commencé la direction il y a 70 ans. L’apprentissage de la musique serait bien meilleur aujourd’hui, nous dit-il. S’il compare avec la Suède, son pays d’origine, il y avait à l’époque plus de 7 ou 8 orchestres professionnels. Aujourd’hui le chef d’orchestre affirme qu’ils sont plus qu’une vingtaine et que le niveau a considérablement évolué. Lors de ses études, le conservatoire de Stockholm était l’unique conservatoire du pays tandis qu’aujourd’hui, la Suède en compte 8. Selon Herbert Blomstedt ce sont les médias, comme la télévision et la radio qui ont largement contribué à la démocratisation de la musique classique : « je pouvais simplement en poussant un bouton écouter tous les meilleurs orchestres du monde, le son reste le même » se réjouit-il. En tant que chef d’orchestre retraité, Herbert Blomstedt dirige uniquement les orchestres avec lesquels il avait « déjà développé une connexion spéciale il y a 25 ans ». 

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Le maestro a désormais plus de temps pour écouter et apprécier les spécificités des meilleurs orchestres du monde, il en dirige d’ailleurs une dizaine chaque année. Le chef apprécie particulièrement les orchestres de très haut niveau qui ont su développer à la fois leur technique et leur expression. Mais comment repérer un orchestre remarquable ? Pour le chef d’orchestre, « il faut d’excellentes oreilles pour les distinguer réellement ». Ce talent musical viendrait selon lui des individualités de chaque orchestre ainsi que des chefs qui les dirigent. La mission principale des bons orchestres serait d’après lui, de devoir se battre pour conserver leurs propres standards à partir desquels ils se sont crées.

Herbert Blomstedt salue les cheffes d’orchestre qui se font petit à petit une place dans le monde musical

Herbert Blomstedt pointe également du doigt les transformations qu’ont connu les recrutements des musiciens. Dans son orchestre de Dresde dans les années 70, tous les candidats venaient de la ville même ou de Saxe alors que de nos jours, nombreux sont ceux provenant de l’étranger comme l’Autriche, le Japon, les Etats-Unis et près de 25 autres nations. A travers ce multi-culturalisme, les musiciens doivent créer une individualité de groupe malgré un vécu et une culture différente. Le maestro est également chef honoraire de la NHK de Tokyo depuis 40 ans et il a pu constater que presque tous les musiciens sont d’origine japonaise. C’est aussi un « excellent orchestre avec un son spécial qui lui est propre ». A contrario, à l’Orchestre Philharmonique de Berlin la situation est bien différente, puisque 26 pays sont représentés en son sein : « cela donne un certain degré de flexibilité pour écouter ce que sont les caractéristiques de cet orchestre en particulier » confie Herbert Blomstedt. Le chef va même jusqu’à comparer l’orchestre d’aujourd’hui à un caméléon : « que cherchons-nous à être ? Devrions-nous jouer comme celui-ci ou comme celui-là ? Quelle est la nature de notre orchestre ? Cela peut changer de semaine en semaine et aussi en fonction du chef d’orchestre ». Une métaphore empreinte de sens pour des orchestres soumis à des changements « remarquables » .

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Herbert Blomstedt salue également les cheffes d’orchestre qui se font petit à petit une place dans le monde musical, « je crois que c’est la véritable révolution de ces 5 dernières années que d’avoir aujourd’hui de si nombreuses cheffes d’orchestre. Il y a 10 ans, on disait encore que les femmes n’étaient pas faites pour devenir chef d’orchestre » confie-t-il. Plusieurs difficultés s’imposent cependant à elles, car en plus de cumuler le fait d’être jeunes et d’être femmes, elles doivent aussi montrer qu’elles sont d’excellentes musiciennes : « cela demande beaucoup d’expérience de développer votre propre personnalité et de se battre pour la faire entendre, d’avoir un but à atteindre ». Malgré ses 94 ans, Herbert Blomstedt ne cesse d’être heureux d’avoir entrepris cette carrière et félicite le niveau des orchestres qui lui rende la vie « plus intéressante ». 

Ondine Guillaume

 

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