Edouard Philippe était l’invité exceptionnel de Demandez le programme !, la nouvelle émission de David Abiker. Evoquant ses années au conservatoire de Rouen, et son intérêt tardif pour Bach et Schubert, il a dévoilé un programme très mélancolique. D’un naturel optimiste, il confie « aimer la peinture sombre et la musique triste ».
Edouard Philippe travaille en musique
« J’étais un petit garçon inscrit au Conservatoire de Rouen à l’époque. J’ai commencé le violon que j’ai arrêté le jour où je me suis cassé les deux bras, ce qui évidemment rendait plus compliquée la pratique de l’instrument. Je suis ensuite passé aux percussions qui étaient beaucoup plus adaptées à mon tempérament un peu… énervé… à l’époque. J’ai continué à aimer la musique classique passionnément, et quand je travaille j’écoute tout le temps de la musique. »
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Voici son programme :
Introduction et Rondo Capriccioso de Camille Saint-Saëns
Edouard Philippe : « C’est le premier morceau de musique classique que j’ai entendu, ou plus exactement, dont je me souviens et qui m’a donné envie de faire du violon. Et plus que ça, c’est la première fois, je crois, que j’ai trouvé une œuvre culturelle belle et émouvante. Quand on est petit, on peut trouver des choses jolies mais c’est la première fois que j’ai été ému par une œuvre d’art. Et c’est ça qui m’a donné envie de faire du violon. Et en l’écoutant je comprends que je n’étais pas du tout assez doué pour jouer du violon durablement » (rire).
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Nocturne n°2 de Frédéric Chopin
Edouard Philippe : « Ma découverte de la musique classique s’est faite à la fois par des rencontres, des contacts, des films, et aussi par une figure très dominante qui était celle de ma grand-mère maternelle, pianiste. Quand on arrivait chez elle, à Lille, très vite on s’installait dans le canapé et elle jouait du piano. Et ce qu’elle jouait le mieux c’était Chopin parce qu’il y avait de l’apaisement et une forme de sensualité contenue chez cette dame qui était déjà un peu âgée pour moi. »
« Une partie de ma vie et mes goûts sont liés à une admiration pour la virtuosité, et Liszt en est le symbole »
Grandes études de Paganini : n°3 « la Campanella » de Franz Liszt
Edouard Philippe : « Quand j’étais plus jeune, j’étais convaincu que le talent et la beauté résidaient dans une forme de virtuosité. Donc il y a eu une partie de ma vie et de mes goûts qui sont liés à cette admiration pour la virtuosité, pour une espèce d’agilité inouïe, de maîtrise totale et un choix presque de la complexité pour le plaisir de montrer qu’on est capable de maîtriser cette complexité. Liszt c’est le symbole de ce que j’ai aimé à une époque, de ce que j’aime encore d’ailleurs, d’une « survirtuosité », qui peut être très belle, qui n’est peut-être pas toujours nécessaire mais qui montre une forme de raffinement complet, comme si on allait au bout de la difficulté technique pour montrer qu’on est au bout. »
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Concerto pour piano et orchestre n°2 : 2ème mouvement « Adagio Sostuneto » de Serge Rachmaninov
Edouard Philippe : « J’aime les 4 concertos de Rachmaninov et je les ai beaucoup écoutés quand j’étais étudiant. Ils font partie de ces musiques qui marquent des instants et qu’on associe à des images et à des lieux. J’ai lu que Rachmaninov -que je trouve remarquable-, aurait pu être un génie s’il avait écrit ces concertos 20 ou 30 ans auparavant. Il a écrit des choses très belles, mais à une époque où il aurait fallu être plus inventif, moins classique. Peut-être cette analyse n’est-elle pas juste. En tous cas ce mélange de romantisme endiablé et d’apaisement est exceptionnel. C’est aussi une époque pendant laquelle j’ai été particulièrement sensible aux concertos, à ce dialogue entre le soliste et l’orchestre. C’est une musique mélancolique, j’aime la peinture sombre et la musique triste. Pourtant je ne suis pas sûr que ça dise quoi que ce soit de mon caractère. »
Edouard Philippe : Radio Classique permet de découvrir de nouvelles choses
Trio avec piano n°2 de Franz Schubert : 2ème mouvement « Andante con moto »
Edouard Philippe : « Je suis venu tard à Schubert, ce qui est idiot, car il y a quelque chose de totalement maîtrisé entre le cérébral et les tripes. Même si sa musique peut « déménager », il y a une retenue. Pourquoi suis-je venu tard à Schubert ? Pour la musique comme pour la lecture, on a trop tendance à rester dans sa zone de confort. Pour en sortir, il y a les conseils des uns et des autres, mais aussi Radio Classique, qui permet de découvrir de nouvelles choses.
Ma discothèque est aujourd’hui numérique, ce qui est pratique et en même temps frustrant. On vit une époque extraordinaire, tout est accessible, c’est le paradis de l’humanité quand on aime lire et écouter de la musique. Mais c’est aussi frustrant, car de la même façon qu’il est agréable de voir sa bibliothèque, une discothèque représente une sorte de sédimentation de ce que vous êtes, ce que vous aimez. »
Danse slave n°10 (Op 72 n°2) d’Antonin Dvorak
Edouard Philippe : « Cette musique évoque pour moi une partie de continent que je ne connais pas et qui me fascine, un univers mystérieux qui me reste à découvrir. C’est un des grands plaisirs de la vie : être fasciné par quelque chose qui nous reste à découvrir. Savoir que c’est devant nous est une forme de satisfaction intellectuelle absolument considérable. »
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Le Clavier bien tempéré : Prélude et fugue de Jean-Sébastien Bach, par Sviatoslav Richter et Glenn Gould.
Edouard Philippe : « Richter donne une forme de fougue et de romantisme à cette œuvre, alors qu’avec Glenn Gould, c’est très beau aussi, mais c’est clinique, géométrique. Avec les années, je suis de plus en plus fasciné par la capacité de l’interprète à apporter une part de création à un morceau composé par un autre. J’aime autant les deux versions, même si elles sont radicalement différentes et qu’on peut avoir l’impression que ce n’est pas le même morceau. Je suis venu à Bach encore plus tard que Schubert ! J’étais absolument insensible à Bach quand j’étais petit, maintenant je suis très impressionné par cette géométrie et Gould la révèle mieux que personne. Cette possibilité pour un artiste d’ajouter quelque chose à une œuvre sans la dénaturer, c’est formidable. »
Concerto pour violoncelle et orchestre : 1er mouvement « Adagio Moderato » de Edward Elgar
Edouard Philippe : « Je l’ai choisi car je l’ai beaucoup écouté. Et avec le temps, je suis de plus en plus sensible au son et à l’impression du violoncelle. C’est un morceau noir, écrit après la 1ère guerre mondiale, il est d’une noirceur et d’une beauté exceptionnelle. Avant la guerre, Elgar a écrit des choses légères, après la guerre, des œuvres noires. Je suis fasciné par le sombre, car étant d’un naturel optimiste -je suis plutôt confiant dans l’humanité- j’ai besoin d’une dose de rappel, la confiance n’exclut pas la concentration. »
Mexico, tiré de l’opérette Le chanteur de Mexico
Edouard Philippe : « Il est arrivé dans des soirées étudiantes que je me sois adonné au one-man-show, à chanter Mexico, le tout accompagné d’une consommation excessive de boisson mexicaine. Quid de l’art lyrique ? Je ne suis pas féru d’opéra, mais j’y viens, on peut arriver à 50 ans et avoir une immense marge de progression. »