Après avoir dirigé pendant 10 ans le Staatsoper de Vienne, Dominique Meyer a pris la tête de la Scala de Milan au printemps dernier. Il arrive dans une institution lombarde touchée par la pandémie de coronavirus. Remettre l’illustre machine en ordre de marche sera un des nombreux défis qu’aura à relever ce passionné d’opéra italien. Il s’est longuement confié au magazine Les Échos Week-end.
Dominique Meyer fréquente la Scala depuis 40 ans
Dans cet entretien réalisé par Pierre de Gasquet, Dominique Meyer confie que lorsque le maire de Milan l’a appelé dès juin 2019 pour lui proposer la direction, générale de la Scala, il a accepté en 3 jours. Avouant qu’il n’eut pas de regret de ne plus concourir pour la succession de Stéphane Lissner à l’Opéra de Paris alors qu’il faisait partie des favoris. L’Italie, comme une évidence pour cet Alsacien de 65 ans qui avait appris l’italien tout seul avec la méthode Assimil dans les années 90. Et Milan bien sûr pour ce passionné d’art lyrique qui assiste à son 1er Lohengrin de Wagner en 1981, à La Scala, dirigé par Claudio Abbado et mis en scène par Giorgio Strehler.
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«La Scala ici, c’est comme l’Opéra de Vienne, elle est physiquement ancrée au centre de la ville et aussi dans toutes les têtes. C’est encore un des endroits où brûle le feu sacré. Il faut entretenir ce feu » confie Dominique Meyer enthousiaste à l’idée de travailler avec Riccardo Chailly, le directeur musical, dont il dit apprécier la curiosité et le goût de l’inédit. A Milan, il retrouvera également « son » directeur de ballet Manuiel Legris qui l’avait déjà rejoint à Vienne.
Dominique Meyer mise sur le répertoire baroque italien
Au moment où, comme les opéras du monde entier, menacés de paralysie en cette période de crise sanitaire, la Scala est contrainte d’ajuster sa programmation, Dominique Meyer mise notamment sur le répertoire baroque italien pour entretenir ou raviver l’engouement du public milanais, même si c’est la 9e Symphonie de Beethoven qui sera jouée ce samedi en signe d’espoir à l’occasion de la réouverture au public de la salle milanaise. Le répertoire italien, ce collectionneur, qui avoue posséder plus de 20 000 cd, le connaît parfaitement, rappelant au passage que lorsqu’il dirigeait le Théâtre des Champs Élysées il avait fait « jouer tout le répertoire baroque italien : Monteverdi, Cesti, Pergolesi, Cavalli, Vinci… » et qu’il s’intéresse beaucoup aux compositeurs napolitains. Il confie même à Pierre de Gasquet que « Les opéras-comiques en langue napolitaine, c’est extraordinaire, c’est comme les films de Pagnol ! ».
Dominique Meyer : « L’objectif est de terminer la saison à l’équilibre »
Parmi les chantiers auxquels Dominique Meyer compte s’attaquer, il y a aussi celui de la démocratisation de l’opéra. « Ici, l’opéra fait partie de la culture populaire. Je n’aime pas cette approche qui consiste à mettre l’art lyrique sur un piédestal (…) Il faut revenir à une approche plus sincère, plus émotionnelle de l’opéra » déclare t-il. À cet effet, à Milan, comme à Vienne, il souhaite encourager les places debout à 3 euros.
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Autres défis, artistiques, qu’il compte relever à la Scala: l’ouverture internationale tout en conservant la « milanésité » de l’institution et développer l’Accademia, son université des métiers de l’opéra, qui selon Dominique Meyer est « cruciale pour la transmission des savoir-faire. C’est un outil formidable » . De gros challenges donc, mais à relever alors que le contexte actuel reste très précaire. Depuis sa fermeture en février, le Teatro alla Scala a déjà perdu 23 millions d’euros de recettes de billetterie. « L’objectif est de terminer la saison à l’équilibre. Ce sera plus difficile l’année prochaine », reconnait dans Les Échos Week-end le surintendant qui avoue « avoir refait 11 fois le programme ».
Philippe Gault