Au mois de juin dernier les autorités de Salzbourg ont lancé une consultation pour savoir s’il fallait débaptiser certaines rues ou places de la ville autrichienne qui portent le nom de personnalités plus ou moins impliquées avec le régime nazi, parmi lesquelles Carl Orff, Wilhelm Furtwängler ou Herbert von Karajan. Désormais c’est la ville de Munich qui réfléchit à faire de même. Parmi les rues concernées, celles qui portent le nom de Richard Wagner et Richard Strauss, deux immenses compositeurs au passé « chargé d’histoire », selon la formule consacrée.
Richard Strauss a composé l’hymne des Jeux Olympiques de 1936 à Berlin
À la demande, en 2016, du conseil municipal, les archives de la ville de Munich viennent de rendre publiques 2 listes de personnalités dont des rues de la ville bavaroise portent le nom et qui seraient « historiquement contaminées ». À savoir impliquées avec le régime nazi ou considérées comme antisémites ou misogynes. La 1ère liste comporte 327 noms qui ont « besoin de contextualisation » et la seconde 45 pour lesquels il y a un « besoin accru de discussion ». C’est dans cette liste retreinte qu’on trouve les noms de Richard Strauss dont une rue porte le nom depuis 1915 et Richard Wagner, depuis 1898.
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Le cas de Richard Strauss est en effet discutable. Certes il démissionna en 1935 du poste de président de la chambre des musiciens du Reich auquel l’avait nommé Joseph Goebbels 2 ans plus tôt en raison d’un désaccord autour de Stefan Zweig que le compositeur avait imposé pour écrire le livret de son opéra La Femme silencieuse, en revanche il fut taxé d’opportunisme voire de compromission, notamment après avoir composé l’hymne olympique des JO de Berlin en 1936 et tenté, maladroitement, de se rapprocher des autorités pour faire libérer la famille de sa belle-fille d’origine juive du camp de concentration de Theresienstadt.
Hitler était un ami proche du fils et des petits-fils de Richard Wagner
Le lien entre Richard Wagner et le nazisme est évident mais plus complexe car indirect. Si le compositeur, que le roi Louis II de Bavière installa à Munich, est mort en 1883 bien avant l’avènement du régime nazi, sa musique fut particulièrement appréciée par Adolf Hitler et les dignitaires du troisième Reich. Surtout, on estime que certains écrits de Wagner, antisémite avéré, et notamment son livre Le Judaïsme dans la musique, ont inspiré l’écrivain britannique Houston Stewart Chamberlain, époux de la 2e fille du compositeur et considéré comme l’un des promoteurs de la théorie de la supériorité de la race aryenne, un des fondements de l’idéologie antisémite national-socialiste. Par ailleurs le Führer était devenu un ami proche de la famille du fils de Richard Wagner, Siegfried, et de ses petits-fils Wolfgang et Wieland.
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En 2013, l’arrière-petite-fille de Richard Wagner, Katharina Wagner, également directrice du festival de Bayreuth, avait d’ailleurs décidé de remettre à l’État régional de Bavière des documents familiaux, hérités de son père Wolfgang, « pour donner à la recherche la possibilité d’accéder » au passé de sa famille. Outre une rue qui porte son nom, Munich abrite également un monument dédié à Richard Wagner réalisée par le sculpteur alsacien Heinrich Waderé et édifié aux abords de la Prinzregentenplatz dans le quartier de Bogenhausen.
Philippe Gault