Pornographie interdite aux mineurs : « Il y a urgence » mais la justice patine

istock

L’Arcom lutte en ce moment au tribunal de Paris pour interdire l’accès des mineurs à la pornographie sur Internet. Une bataille judiciaire complexe, alors que les associations de protection de l’enfance s’indigne des ravages des contenus pornographiques chez les enfants.

Depuis 2020, une loi existe pour contrôler l’âge des consommateurs de pornographie mais elle est incompatible avec la liberté de communication

Le tribunal de Paris a proposé ce mardi 6 septembre d’organiser une médiation pour résoudre la question de l’accès des mineurs à la pornographie sur Internet. Une décision insatisfaisante pour les avocats de l’Arcom, qui demandait le blocage de 5 sites. Elle leur reproche de n’avoir pas fait le nécessaire pour empêcher l’accès aux mineurs. La procédure a démarré il y a 2 ans, après la saisine de l’Arcom par des associations de défense des enfants et des mises en demeures infructueuses. La bataille judiciaire est complexe alors que le code pénal est clair : exposer des mineurs à des contenus pornographiques est interdit et depuis une loi de 2020, le seul fait de demander aux internautes s’ils ont plus de 18 ans ne suffit plus.

A lire aussi

 

Mais cette loi se heurte à un obstacle : « la liberté de communication qui est en jeu puisque cette loi implique de contraindre les majeurs à soumettre leur pièce d’identité aux sites », explique Maître Alexandre Lazarègue, avocat spécialiste du numérique. « Il y a une vraie contradiction. Le juge va faire un contrôle de proportionnalité entre ces deux mesures opposées et il n’est pas certain qu’il donne raison à l’Arcom ». L’an dernier, 3 associations de protection de l’enfance avaient saisi la justice pour faire bloquer 9 sites par les fournisseurs Internet … sans succès. Martine Brousse, présidente de l’association La voix de l’enfant, dénonce un « laxisme » et un manque de courage de la justice : « on ne prend pas la mesure des conséquences de la pornographie sur les mineurs. Une fois de plus, ce qui touche un mineur n’est pas traité de façon majeure ! Il y a urgence », alerte-t-elle.

A 12 ans, un enfant sur trois a déjà été exposé à de la pornographie

L’enjeu est primordial selon Martine Brousse : à 12 ans, un enfant sur trois a déjà été exposé à des contenus pornographiques, selon le ministère des Solidarités. Un chiffre sous-évalué, estiment les associations, tant les contenus se propagent rapidement. « Avant, on nous appelait pour intervenir dans des collèges et des lycées. Aujourd’hui, on nous demande d’intervenir en primaire », regrette Thomas Rohmer, directeur et fondateur de l’observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN). Les images pornographiques chez l’enfant entraînent un traumatisme complexe à déconstruire par la suite selon lui. Il peut être tenu responsables de plusieurs maux dans notre société, poursuit-il : « il ne faut pas se plaindre qu’on mette des pansements sur des jambes de bois après, comme on a fait avec les lois sur le harcèlement de rue. Tant qu’on ne traitera pas le problème à la racine, on n’avancera pas ».

Elodie Vilfrite

Retrouvez le reportage d’Elodie Vilfrite à partir de 05:55

Retrouvez toute l’actualité Société