David le Bars, secrétaire général du Syndicat des Commissaires de la Police Nationale (SCPN), était l’invité de Guillaume Durand ce matin sur Radio Classique. Il appelle à la reprise des discussions au sujet de la réforme de la police judiciaire et déplore le limogeage « brutal » du directeur de la police judiciaire de Marseille. Il alerte aussi sur les conditions de vie actuelle des gardiens de la paix.
Eric Arella a été viré suite à un mouvement d’humeur dans les hautes sphères policières selon David Le Bars
L’incendie est en cours au sein de la police depuis l’éviction ce vendredi du patron de la police judiciaire de Marseille Eric Arella, « un grand flic d’une carrière incontesté et qui fédère derrière lui toutes ses troupes », selon David Le Bars. Elle fait suite à une manifestation dans la ville phocéenne des enquêteurs hostiles à la réforme de la police judiciaire poussée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux. « Dans une période où on est censé discuter, c’est brutal et ce n’est pas du tout apprécié par les commissaires », insiste David Le Bars, qui dénonce un mouvement d’humeur dans les plus hautes sphères de l’institution. Gérald Darmanin, qui a évoqué des sanctions contre les manifestants, rajoute de l’huile sur le feu alors qu’il faut « apaiser », même si de telles menaces avaient déjà eu lieu dans d’autres corps de la police sans être mises à exécution, rappelle le syndicaliste. Celui-ci se dit tout de même prêt au dialogue après une séquence « violente ». « Si on ne discute pas sur un ou deux sujets, je crains que la crise dure », alerte-t-il. Alors qu’un séisme agite aussi la magistrature, David Le Bars veut rassurer sur les intentions des policiers. Si la contestation existe, « la police n’est pas en guerre contre son ministre », martèle-t-il.
La réforme ne doit pas mener à l’enfermement de la police judiciaire dans un « cocon départemental »
La réforme envisagée pour 2023 vise à rassembler les effectifs de police judiciaire par directions départementales et non plus par directions indépendantes. David Le Bars déplore qu’aucune « doctrine » n’ait été rédigée pour cette réforme – c’est-à-dire une justification de sa raison d’être et « le minimum avant de faire des structures et des organigrammes ». L’intérêt de la réforme est certes « politique et structurel » pour que les policiers travaillent sous une même entité et que préfets, maires et chefs de polices dialoguent plus facilement. Cela représente aussi des économies pour l’état-major. Mais le travail de la « PJ » ne peut pas se limiter au « cocon départemental », objecte-t-il. Il y a par exemple des affaires de criminalité qui se passent sur plusieurs départements et à l’étranger. « On ne peut pas laisser à la seule main d’un chef départemental le pilotage de certaines missions », ajoute-t-il.
Autre point qui inquiète le syndicaliste : les policiers ne comprennent pas cette réforme. « On ne peut pas faire des réformes structurelles en considérant qu’elles sont le pendant d’une négociation salariale ». Celle-ci a certes eu lieu avec la signature d’un protocole pour l’évolution des rémunérations, mais c’est « largement améliorable » selon David Le Bars. Le quotidien de gardien de la paix devient de plus en plus insupportable, alerte-t-il : « dans la ville où il travaille, un policier ne peut plus vivre pour des raisons économiques [en sortie d’école, la rémunération est de 1.800 euros par mois] mais aussi de sécurité », étant donnés les risques sur sa famille dans un « contexte actuel de violence ».
Clément Kasser