Le Monde nous rappelle ce matin qu’il y a 5 ans exactement, le 5 octobre 2017, le New York Times publiait une enquête qui allait créer une onde de choc sociétale à travers le monde. Dans ses colonnes, des femmes accusaient le producteur américain Harvey Weinstein de harcèlement et d’agression sexuelles.
#BalanceTonPorc, la déclinaison en France de #MeToo, invitait les femmes à dénoncer les agressions sur internet
10 jours après la publication de cette enquête du New York Times, le 15 octobre, l’actrice Alyssa Milano lance le hashtag #MeToo sur le réseau social Twitter pour appeler celles qui ont été abusées à témoigner. La libération de la parole est en marche, et ne s’arrête pas au cinéma américain. Le Monde ajoute qu’au fil des années, #MeToo a entraîné sur les réseaux sociaux d’autre déclinaisons : #BalanceTonBar pour dénoncer les bars et discothèques trop tolérants avec les gestes et attitudes déplacées, ou #PayeTaPlainte pour inciter les femmes à se rendre au commissariat. Mais curieusement Le Monde oublie la première déclinaison de #MeToo en France. Ca s’appelait #BalanceTonPorc, une invitation à la dénonciation des violences sexuelles sur les réseaux sociaux, au mépris de la présomption d’innocence, de la charge de la preuve et des règles élémentaires du droit.
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Pour les néo-féministes, il s’agissait d’un mal nécessaire. Selon certains juristes, c’était plutôt une étape peu reluisante. Enfin les lanceuses d’alerte le considéraient comme un dommage collatéral négligeable. Visiblement, Le Monde a oublié #BalanceTonPorc dans le bilan globalement positif qu’il dresse du phénomène #MeToo. Car le bilan est positif : des services sociaux déjà rompus à recueillir les témoignages, une justice plus à l’écoute, des policiers mieux formés à recevoir les victimes et l’enseignement supérieur devenu très sensible au phénomène. #MeToo a changé la manière dont les femmes sont écoutées quand elles relatent une agression sexuelle ou un viol.
Il y a plus de 20 ans les contradictions des plaignantes pouvaient se retourner contre elles
Dans les colonnes du Monde, l’avocate Marie Dosé raconte comment #MeToo est venu impacter l’exercice du droit : les magistrats sont beaucoup plus sensibles à la parole des parties civiles, explique-t-elle. Il y a plus de 20 ans, les déclarations des plaignantes étaient scrutées à la loupe, la moindre contradiction se retournait contre elle. Ce n’est plus possible aujourd’hui. Et l’avocate donne un exemple du retournement : récemment encore, une jeune femme à peine majeure a dénoncé un viol en précisant que son agresseur l’avait suivie en pleine nuit. L’enquête préliminaire a révélé en réalité qu’ils s’étaient donnés rendez-vous, et que la victime avait menti à trois reprises devant les services de police. Ce mensonge n’a eu aucune incidence sur la crédibilité de cette jeune fille. Il a au contraire démontré qu’elle se sentait coupable de ce qui lui était arrivé et cela a contribué à conforter son récit. C’eut été inconcevable il y a encore 20 ans.
David Abiker