Jérôme Gavaudan était l’invité de la matinale sur Radio Classique. Alors que le Conseil constitutionnel devrait faire connaitre sa décision sur le projet de loi de gestion de la crise sanitaire cet après-midi, l’avocat au barreau de Marseille et président du Conseil national des barreaux estime que l’institution devrait émettre des réserves sur de nombreux points afin de contrer un recul des libertés.
Le pass sanitaire ne respecte pas le secret médical
« Globalement le projet de loi pose question » assure Jérôme Gavaudan. Ainsi l’extension du pass sanitaire à l’entrée des hôpitaux, sauf en cas d’urgence, risque de créer une potentielle rupture d’égalité à l’accès aux soins, pointe-t-il. D’autant que la notion d’urgence est mal définie dans la loi, ce qui laisserait donc la place à l’arbitraire, un constat qui a d’ailleurs été dénoncé au sein l’ordre médical. Le pass sanitaire exigé en terrasse suscite également débat puisqu’il ne respecte pas le principe de secret médical rappelle l’avocat. Et même s’il faut être un « citoyen respectueux et se faire vacciner quand les médecins le disent », un problème de santé public ne doit pas mettre en cause la constitutionnalité des lois, selon Jérôme Gavaudan.
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Cette liste « d’exceptions » n’en finit pas et il ne cache pas sa réticence face à la mesure de suspension du contrat de travail sans paye. Non seulement la loi n’est pas claire, mais cette disposition pose la question de la dignité de la personne humaine, or « sans travail il n’y a pas de rémunération et sans rémunération il n’y a pas de vie digne » assure l’avocat. Parmi les mesures citées durant cette interview, seule la vaccination obligatoire des soignants pourrait être approuvée par le Conseil Constitutionnel estime Jérôme Gavaudan.
Etat d’urgence : la population française a fini par s’y habituer
« La force d’une démocratie c’est d’appliquer des règles et des principes en temps calme comme par temps de tempête » déclare l’avocat. Or si cette loi porte atteinte à de trop nombreux pans de la vie quotidienne des Français, elle risque de ne pas être appliquée. Il faut dire que le processus a été « trop rapide » pointe Jérôme Gavaudan, la loi a été annoncée le 12 juillet puis adoptée le 25 du même mois. Toutes ces exceptions risquent de faire basculer le régime de libertés en un régime d’exception souligne-t-il. Pour autant, le mot « liberticide » ne saurait lui convenir, certes les libertés reculent mais ce n’est pas volontaire de la part du législateur.
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L’avocat dénonce cependant cet état d’urgence, terroriste puis sanitaire, auquel la population française a fini par s’habituer et qui à terme affaiblit la démocratie. Selon lui, « on voit ce que l’on perd, mais on ne voit pas ce que l’on gagne ». Le Conseil constitutionnel tout comme le Conseil d’Etat doivent donc continuer de « rappeler les grands principes » afin de prendre plus de place dans la vie législative conclut Jérôme Gavaudan.
Alexandra Legrand