Gouvernement d’union nationale : une manœuvre « clientéliste » selon Bruno Retailleau

Bruno Retailleau était l’invité de la matinale de Guillaume Durand ce jeudi 16 avril. Alors qu’Emmanuel Macron avance l’idée d’un gouvernement de « concorde nationale » face au coronavirus, le président du groupe Les Républicains au Sénat y voit une manœuvre « clientéliste » qui pourrait bénéficier à l’extrême-droite. Il a aussi regretté la stratégie du confinement, « nécessaire » mais « extrêmement faible » et a vanté le modèle allemand et sud-coréen.

Bruno Retailleau craint « le syndrome autrichien », qui favoriserait l’extrême-droite

« Si l’union nationale consiste à piéger l’opposition pour la faire taire, moi je dis non ! ». Bruno Retailleau, à l’image d’une bonne partie de l’opposition, s’est montré méfiant à l’évocation d’un gouvernement de « concorde nationale », comme cela est évoqué depuis hier par l’entourage du chef de l’Etat. Alors que des noms de personnalités, comme François Baroin ou Nathalie Kosciusko-Morizet, proches ou membres de sa famille politique, circulent, le président des Républicains au Sénat n’y voit « qu’une bouée de sauvetage pour Emmanuel Macron, qui pour l’instant, n’a pas bien géré cette crise »,

 

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Il assure que les partis non-gouvernementaux savent faire preuve d’un « esprit de responsabilité » en cas de crises majeures, en votant notamment à l’unanimité des textes au Parlement, mais rejette cette stratégie qui offrirait un terreau fertile au Rassemblement national. « Nous avons voté au Sénat, le groupe Les Républicains, le projet de loi de finances rectificative. Au moment des Gilets jaunes, on a aussi voté à l’unanimité ».

 

 

« Au moment des attaques terroristes, nous en avons été capables. Maintenant, je pense que l’on tomberait dans le syndrome autrichien, où l’on a vu que c’était l’extrême-droite qui à l’époque en avait bénéficié. Cela lui avait permis de dire qu’il n’y avait qu’un seul paquet : les partis classiques et l’alternance » qu’elle constituerait.

 

« Parler du casting gouvernemental, alors que certains meurent, est un peu clientéliste », pour Bruno Retailleau

Emmanuel Macron, qui a reconnu « des failles » dans la gestion de la crise lors de son allocution télévisée du début de semaine, chercherait un second souffle pour Bruno Retailleau, sans être forcément « capable de changer son logiciel ». « Il nous a fait un mea-culpa, c’était lundi soir, il a présenté une sorte d’oraison funèbre du macronisme, puisqu’il a reparlé des frontières, indiqué que les intérêts stratégiques de la France – sanitaires, alimentaires, technologiques – étaient fondamentaux ».

 

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Mais le moment est mal choisi pour envisager le remplacement du 1er ministre ou de plusieurs membres du gouvernement pour Bruno Retailleau, dont le parti est resté marqué par le ralliement en 2017 de figures LR à Emmanuel Macron, comme Edouard Philippe, Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin. « Je trouve très franchement que parler du casting gouvernemental alors que beaucoup de Français souffrent aujourd’hui, certains meurent, c’est un peu clientéliste ».

 

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Le sénateur de Vendée, qui regrette le choix du confinement, « une stratégie extrêmement faible », demande au chef de l’Etat de réfléchir à une alternative « pour tirer les Français d’affaire ».

 

Sans masques ni dépistage massif, le déconfinement se fera avec « d’immenses risques »

« Aujourd’hui, nous n’avons pas d’autres stratégies que celle du confinement, qui ne produira pas suffisamment de résultats dans la durée », a-t-il estimé. Interrogé hier au Sénat, le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, a prédit qu’il y aura « entre 10.000 et 15.000 nouvelles contaminations par jour » à la sortie du confinement et qu’il n’était pas certain que « les personnes déjà contaminées seront vraiment protégées » par leur système immunitaire sur le moyen terme.

 

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Le confinement aurait retardé l’épidémie, mais n’aurait pas permis de la juguler définitivement. « Je pense que la stratégie du gouvernement est dictée par la pénurie. C’est terrible mais je pense que le confinement est en lui-même nécessaire, car il faut désengorger nos services de réanimation. Mais cela ne suffit pas. Il a des effets collatéraux terribles en économie et en termes sanitaires. Il y a des malades chroniques qui n’ont plus accès au soin ».

 

 

Bruno Retailleau a plébiscité « l’autre stratégie » appliquée par l’Allemagne ou encore la Corée du Sud et qui s’appuie sur des dépistages massifs, permettant d’isoler les porteurs du virus, et le port généralisé du masque. « Sans cette stratégie double, vous ne pourrez pas sortir, sans d’immenses risques, du confinement », a-t-il assuré.

 

Nicolas Gomont

 

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