Afghanistan : « Ce serait une grosse erreur de s’interdire de négocier avec les talibans », selon Hubert Védrine

Hubert Védrine était l’invité de la matinale de Renaud Blanc sur Radio Classique ce jeudi 2 septembre 2021. L’ancien ministre des Affaires Etrangères a livré son analyse du retour au pouvoir des talibans en Afghanistan, plaidant pour maintenir des « canaux de négociation » avec eux. Concernant le départ de l’armée américaine, dans la nuit du 30 au 31 août, il estime qu’il n’y avait pas de « sortie en bon ordre » concevable.

L’armée américaine a quitté l’Afghanistan : « on ne parle que du chaos, mais il n’y avait pas de sortie en bon ordre concevable »

Le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan n’a pas été une surprise pour Hubert Védrine, qui s’attendait à ce que cela arrive « tôt ou tard ». Au micro de Renaud Blanc, l’ancien chef du Quai d’Orsay a souligné que l’intervention américaine en Afghanistan a été marquée par deux idéologies : d’abord une « légitime riposte aux attentats du 11 septembre 2001 », d’ailleurs approuvée à l’époque par la Chine et la Russie, membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Une riposte visant à éradiquer Al Qaida, dont ses membres ont été abrités par les talibans, qui s’est transformée ensuite, selon l’expression de l’ancien ministre, « en croisade ». Le départ de l’armée américaine ne pouvait pas se passer autrement, a insisté Hubert Védrine : « on ne parle que du chaos, mais il n’y avait pas de sortie en bon ordre concevable, comme l’a dit Joe Biden ». Selon l’ancien ministre, « ce n’est pas qu’un fiasco américain, ça va plus loin », les élites occidentales et notamment françaises devront repenser leurs politiques étrangères, avec cette question : « Faut-il défendre des intérêts ou mener des croisades ? »

 

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Elargissant son analyse, Hubert Védrine précise qu’un courant de pensée va à l’encontre de l’évangélisation d’autrefois : « On ne peut plus imposer nos idées, les droits de l’Homme, ça ne marche pas ». Il plaide pour le pragmatisme, et estime que ce serait « une grosse erreur de s’interdire de négocier avec les talibans, pour des raisons moralistes, ou pour plaire à une partie de l’opinion française, ce serait se lier les mains ». L’ancien ministre des Affaires Etrangères du gouvernement Jospin préconise de maintenir un maximum de « canaux » de discussion, les ambassades et le lycée français de Kaboul. S’agissant des 3000 Afghans rapatriés en France, « ils ont le droit à l’asile », car ils ont travaillé pour l’armée française, selon Hubert Védrine, qui alerte toutefois sur ce droit « massivement détourné aujourd’hui », au profit de l’immigration clandestine.

Béatrice Mouedine

 

 

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