Yannick Nézet-Séguin dirige le Met de New York, l’Orchestre de Philadelphie et le Métropolitain de Montréal. Tous à la fois. Ce chef d’orchestre à l’enthousiasme communicatif a commencé par le piano et la direction de chœur. Aujourd’hui les orchestres sont conquis par son talent, mais aussi par son humour et sa proximité avec les musiciens, à l’opposé des chefs tyranniques d’autrefois.
Yannick Nézet-Séguin en 8 dates :
- 1975 : Naissance à Montréal (Québec)
- 1996 : Diplôme de piano au Conservatoire de Montréal
- 1997 : Travaille la direction d’orchestre avec Carlo-Maria Giulini
- 2000 : Directeur artistique et chef principal de l’Orchestre Métropolitain de Montréal
- 2008 : Directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam
Principal chef invité du Philharmonique de Londres
Débuts à Salzbourg - 2012 : Directeur musical de l’Orchestre de Philadelphie
- 2013 : Contrat d’exclusivité avec Deutsche Grammophon
- 2018 : Directeur musical de l’Orchestre et du Chœur du Met de New York
La vocation de Yannick Nézet-Séguin remonte à son enfance à Montréal
Yannick Nézet-Séguin est né à Montréal en 1975. Il commence le piano à 5 ans, puis entre au Conservatoire de Montréal dans la classe d’Anisia Campos. Cette ancienne élève de Reine Gianoli, Alfred Cortot et Claudio Arrau lui insuffle une musicalité qui ne l’a plus quitté. « Elle m’a transmis cette culture du son, de la respiration, de la ligne. » Le jeune homme obtient son diplôme de piano à 21 ans. Mais son rêve reste de diriger. « A 11 ans, j’écoutais le 1er mouvement de la 40ème de Mozart en boucle et je dirigeais dans ma chambre – en chorégraphiant avec mes bras. J’ai dit à mes parents que je serais chef d’orchestre. Ils ont pensé à une toquade, mais ça ne m’est jamais passé », raconte-t-il à Classica en 2015.
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Avant d’être chef d’orchestre, il commence par diriger des choeurs
« La musique a pris tout son sens pour moi à travers le groupe, l’échange. » Yannick Nézet-Séguin chante dans la chorale de la paroisse chaque semaine et, au fil des années et de l’évolution de sa voix, expérimente tous les pupitres de soprano à basse. Fort de cette expérience, il se met à diriger le chœur. A l’époque, il dépense tous ses cachets pour acheter des disques. L’un de ses premiers coups de cœur discographique est le Requiem allemand de Brahms dirigé par Giulini.
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Au Westminster Choir College de Princeton, il étudie la direction chorale avec Joseph Flummerfelt. Il devient directeur musical du Chœur polyphonique de Montréal en 1994, puis de celui de Laval l’année suivante. En 1995, il fonde son propre ensemble, La Chapelle de Montréal, avec le chanteur et altiste Pierre Tourville. « Je réunissais le conseil d’administration, j’engageais les musiciens, faisais la communication et la billetterie. A une toute petite échelle, cela m’a préparé à comprendre les institutions dans leur globalité », se souvient-il pour Diapason en 2019.
Giulini le forme à la direction. Puis le canadien prend les rênes de l’Orchestre de Montréal
En 1998, il suit Carlo Maria Giulini pendant un an, assistant à toutes les répétitions et discutant longuement avec le maître. « J’avais 22 ans, je voulais des réponses toutes faites, et ne comprenais pas cette confiance qu’il mettait en moi, en m’incitant d’abord à être moi-même et à trouver les solutions à l’intérieur de moi. C’est lui qui m’a encouragé à toujours chanter, physiquement ou dans ma tête ». En 2000, il devient directeur artistique et chef principal de l’Orchestre Métropolitain de Montréal. Il emmènera l’orchestre pour une tournée européenne en 2017, la première de l’institution. Avec lui, il enregistre un cycle Bruckner chez Atma. Son compagnon Pierre Tourville le rejoint dans la fosse en 2002, au pupitre d’alto, avant de diriger le Choeur.
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Le Philharmonique de Rotterdam lui confie la baguette à 33 ans et l’Europe s’ouvre à lui
Yannick Nézet-Séguin fait ses débuts européens en 2004. En 2011, il est invité à La Scala, puis au Covent Garden de Londres l’année suivante. Mais dès 2008, il dirige déjà à Salzbourg. Rolando Villazon et Nino Machaidze se partagent les rôles-titres de Roméo et Juliette de Gounod, avec le Mozarteum dans la fosse. La même année, il devient directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam à la suite de Valery Gergiev, où il bascule chef honoraire dix ans plus tard après deux mandats. C’est à leur tête qu’il enregistre Ravel en 2009 (Daphnis et Chloé, La Valse, Ma Mère l’Oye et les Valses nobles et sentimentales). Le disque paraît chez EMI, avant que Yannick Nézet-Séguin ne signe chez Deutsche Grammophon en 2013. Il enregistre alors le Concerto pour violon de Tchaïkovsky avec Lisa Batiashvili.
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2008 est décidément une année faste pour Yannick Nézet-Séguin, qui devient aussi principal chef invité du Philharmonique de Londres, jusqu’en 2014. Il entame une série d’opéras de Mozart au Festspielhaus de Baden Baden, la plupart à la tête de l’Orchestre de Chambre d’Europe, et parus chez Deutsche Grammophon. Avec cet orchestre, il grave aussi l’intégrale des symphonies de Mendelssohn et de Schumann, ainsi que les deux concertos pour violon de Prokofiev, toujours avec Lisa Batiashvili.
L’Orchestre de Philadelphie lui propose le poste de directeur musical
En 2012, nouvelle étape dans la carrière du jeune chef de 37 ans : il est nommé directeur musical de l’Orchestre de Philadelphie. Il s’interroge sur le son très spécifique qu’on reconnaît généralement à cet orchestre, et en explique les raisons à Diapason en 2019. « Le son est une philosophie : sa beauté procède de l’attitude profonde dont il émane. Ici, une disponibilité totale, un refus de la routine. » Yannick Nézet-Séguin tient compte de la personnalité de chaque orchestre qu’il dirige. En 2010, il expliquait déjà à Classica : « Soit vous avez en vous une conception musicale et un son que vous voulez retrouver quel que soit l’orchestre que vous avez en face de vous, soit vous vous adaptez aux individus que vous rencontrez pour imaginer la musique ensemble. » Tout en reconnaissant que « le danger, c’est [alors] de s’oublier et de se perdre. J’ai dû me faire violence pour rester moi-même. » Depuis, il essaye de faire profiter chaque orchestre de l’expérience acquise auprès d’autres phalanges. « J’essaie d’insuffler [au Met] de la résonnance et du sostenuto que j’ai appris à Philadelphie, et d’inculquer [à ceux-ci] l’attention au texte dans les œuvres vocales dont témoignent les musiciens du Met, » dit-il à Diapason en 2019. Avec Philadelphie, il enregistre notamment Le Sacre du Printemps de Stravinsky et les 4 concertos pour piano de Rachmaninov avec Daniil Trifonov en soliste.
Yannick Nézet-Séguin fait répéter la Symphonie n°3 « héroïque » de Beethoven aux élèves du Conservatoire de Montréal (2012)
Il arrive au Met de New York, sans renoncer ni à Philadelphie ni à Montréal
Après les scandales de la fin de mandat de James Levine, et face à une billetterie en berne, le Met de Ney York appelle Yannick Nézet-Séguin à sa tête en 2018. Le chef canadien a la réputation de redresser les maisons. « Quand je suis arrivé à l’Orchestre Metropolitain de Montréal, il était sur le point de fermer. A Rotterdam, j’ai été accueilli par la baisse de 30% des subventions. A Philadelphie nous avons corrigé ensemble d’énormes déséquilibres. » Le chef connaît l’orchestre et le chœur du Met depuis 2009, où il les a dirigés dans Carmen. « J’essayais d’impulser un tempo plus allant [que Roberto Alagna] », se rappelle-t-il dix ans plus tard dans Diapason. « Mais en cas de divergence entre le chef et le plateau, l’orchestre [du Met] suit toujours les chanteurs ! » S’il est maintenant chef honoraire de Rotterdam et de l’Orchestre de Chambre d’Europe, le canadien n’abandonne pas pour autant les orchestres de Montréal et de Philadelphie. Celui qui reconnaît avoir dirigé plus de 80 formations, a simplement limité ses apparitions à la tête d’autres phalanges comme chef invité.
« J’adore répéter, car c’est le meilleur moyen de provoquer la spontanéité, laquelle est toujours le fruit d’un travail fouillé, disait Carlos Kleiber. […] La qualité majeure d’un chef [est] la clarté. Clarté du geste, bien-sûr, mais aussi clarté des idées et des mots. Or, pour être clair, il faut être honnête. Travestir sa personnalité n’est pas tenable. […] Être drôle [en répétition] est un moyen de surprendre [les musiciens], de les réveiller. […] J’aime rire, j’aime échanger, c’est ainsi que je fais de la musique, » confie encore le canadien à Diapason. Exiger beaucoup mais donner plus encore, et toujours avec le sourire, telle est peut-être la recette de son succès auprès des musiciens. Et du public.
Sixtine de Gournay