L’américain William Christie arrive à Paris à vingt-six ans, ouvre une classe de musique ancienne au Conservatoire et fonde son ensemble Les Arts Florissants. Le succès d’Atys de Lully, puis des Indes Galantes de Rameau, donne un élan formidable à cet ensemble baroque, qui rencontre une audience enthousiaste. Véritable pépinière de talents depuis sa création, on ne compte plus les artistes issus de l’ensemble de Christie. Fondateur du Jardin des Voix, ce découvreur aussi connu pour ses jardins remarquables de Vendée, est devenu à lui seul une institution qui honore la France, le pays qu’il a choisi et qui l’a adopté.
William Christie en 10 dates :
- 1944 : Naissance à Buffalo (État de New York)
- 1962 : Études à Harvard
- 1966 : Classe de clavecin de Kirkpatrick à Yale
- 1971 : Arrivée en France
- 1977 : Ouvre une classe de musique ancienne au Conservatoire de Paris
- 1979 : Crée Les Arts Florissants
- 1987 : Atys à l’Opéra Comique
- 1990 : Les Indes Galantes à Aix-en-Provence
- 2002 : Le Jardin des Voix
- 2019 : Concert d’anniversaire des Arts Florissants à Paris
Né aux Etats-Unis, William Christie fait de brillantes études universitaires avant de rejoindre la classe de clavecin de Ralph Kirkpatrick.
Auprès de sa mère musicienne amateur qui dirige un chœur d’église, et de son père ingénieur architecte, William vit une enfance heureuse mais un peu solitaire, dans l’amour de la musique. Il apprend le piano auprès d’une professeure de Buffalo, sa ville natale près des Chutes du Niagara, et découvre très vite Bach qu’il préfère à Beethoven. Il quitte sa ville pour commencer des études de médecine puis d’histoire de l’art à Harvard, et joue du piano en amateur sans intégrer un conservatoire. Les disques et les concerts lui révèlent la musique baroque, et il se met au clavecin pour entrer dans la classe de Kirkpatrick à Yale, une classe de trois ou quatre élèves seulement qui exige une grande discipline. Christie l’accepte, contrairement à d’autres comme Blandine Verlet, et reste auprès de lui plusieurs années pour travailler la musique ancienne. Il obtient son diplôme en 1970 et, ne voulant pas faire la guerre du Vietnam, quitte les Etats-Unis pour la France.
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Il arrive à Paris et trouve l’atmosphère qui lui convient.
Après 1968, le Conservatoire est plus ouvert aux idées nouvelles, mais pas encore à la musique baroque. Christie trouve le groupe qui lui convient auprès d’une mécène, la comtesse de Chambure, qui collectionne les instruments anciens et organise des concerts de « musique d’autrefois » jusqu’à son décès en 1975. Il ouvre deux ans plus tard une classe de musique ancienne au Conservatoire, sans que cette classe soit tout de suite reconnue dans le cursus officiel (elle le sera en 1982) mais qui lui laisse une grande liberté.
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La création de son ensemble Les Arts Florissants, en hommage à Charpentier, remet au goût du jour la musique baroque française.
L’encouragement de deux musicologues, Jacques Merlet, producteur de radio, et Philippe Beaussant, futur co-fondateur du Centre de musique baroque de Versailles, incite Christie à créer en 1979 son propre ensemble instrumental et vocal pour valoriser le répertoire baroque français. Il le nomme Les Arts Florisssants, du nom d’un opéra de chambre de Marc-Antoine Charpentier, qu’il enregistre d’ailleurs en 1981. D’autres en Europe se penchent déjà sur l’interprétation baroque, comme Leonhardt, Harnoncourt, Herreweghe ou Jacobs. Mais ces initiatives ont encore peu d’écho en France, mis à part Jean-Claude Malgoire qui a été le premier à fonder un ensemble sur instruments anciens, et le Festival de Saintes qui offre depuis 1972 un important creuset pour la musique ancienne.
Les premiers enregistrements des Arts Florissants, chez Harmonia Mundi, sont consacrés à Charpentier
Marc-Antoine Charpentier et Jean-Philippe Rameau sont les deux compositeurs de prédilection de Christie, qui leur redonne une nouvelle jeunesse. Le Te Deum et les Motets de Charpentier retrouvent le chemin des salles de concert, ainsi que sa musique pour Le Malade imaginaire de Molière, recréée au Châtelet en 1990. La même année, Les Indes Galantes de Rameau, au festival d’Aix-en-Provence, commencent une longue série de représentations triomphales avec différents metteurs en scène, les interprètes les plus emblématiques étant Sandrine Piau et Patricia Petibon. Le fameux air « Forêts paisibles » des « Sauvages », la quatrième entrée, devient le tube de William Christie, qui le fait jouer notamment pour le concert d’anniversaire des Arts Florissants en 2019 à la Philharmonie de Paris, désormais résidence de l’ensemble.
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Atys de Lully fait date dans l’histoire du renouveau baroque au XXème siècle.
En janvier 1987, la production de la tragédie lyrique Atys de Lully à l’Opéra Comique est un événement. La mise en scène post-moderne de Jean-Marie Villégier et la chorégraphie de Franceline Lancelot sont conçues en parfaite entente avec Christie. La troupe de musiciens est composée de spécialistes du baroque, qui dirigeront plus tard leur propre ensemble (Marc Minkowski, Christophe Rousset, Hervé Niquet, Hugo Reyne). Les chanteurs Guillemette Laurens, Agnès Mellon, Veronique Gens, Guy de Mey, Gilles Ragon, Nicolas Rivenq et Jean-Paul Fouchécourt sont au diapason. Le succès est international et la « griffe » Christie devient une marque de qualité des opéras baroques, attirant de grandes stars comme Renée Fleming ou Cécilia Bartoli.
William Christie et Les Arts Florissants dans Atys de Lully
Il créé le « Jardin des voix » pour la formation de jeunes chanteurs.
Après avoir obtenu la nationalité française en 1995 puis quitté son poste de professeur au Conservatoire, William Christie fonde en 2002 une académie qui a lieu tous les deux ans, avec seulement six chanteurs, lancés ensuite sur les grandes scènes lyriques. D’abord installé à Caen, où les Arts Florissants étaient en résidence depuis l’origine, le Jardin des voix réside désormais à Thiré, dans le domaine vendéen de Christie, qui propose également un festival d’été. Son amour de la musique, des voix et des jardins, rend singulièrement humain cet homme d’une grande culture, très exigeant dans le travail, qui sait transmettre aux plus jeunes venus de tous les pays l’art du chant français. « Apprendre la patience avec des voix en train de s’épanouir, voir quelqu’un se développer, passer de choriste à soliste, puis me quitter, voilà qui me rend fier », a-t-il confié à Libération en 1999.
Philippe Hussenot