Riccardo Chailly s’est formé avec Abbado et Karajan. Le chef d’orchestre milanais est d’abord parti diriger le Concertgebouw d’Amsterdam puis le Gewandhaus de Leipzig, avant de revenir dans sa ville natale à la tête de La Scala. Loin de sautiller d’une formation à l’autre, il approfondit longtemps le travail avec la même phalange. Il n’aime pas davantage survoler le répertoire, et préfère explorer les compositeurs par cycle.
Riccardo Chailly en 8 dates :
- 1953 : Naissance à Milan
- 1973 : Devient l’assistant d’Abbado à La Scala
- 1980 : Directeur musical de l’Orchestre symphonique de la Radio de Berlin
- 1988 : Prend la direction du Concertgebouw d’Amsterdam jusqu’en 2004
- 1999 : Directeur musical de l’Orchestre Giuseppe Verdi de Milan jusqu’en 2005
- 2005 : Dirige le Gewandhaus de Leipzig jusqu’en 2016, et l’Opéra de Leipzig jusqu’en 2008
- 2015 : Directeur musical de La Scala de Milan
- 2016 : Succède à Abbado à la tête de l’Orchestre du Festival de Lucerne
Chef d’orchestre est une vocation de père en fils chez les Chailly
Riccardo Chailly est né dans une famille de musiciens. Son père est chef d’orchestre et sa sœur harpiste. Dès ses 9 ans, sa vocation est claire. « J’avais accompagné mon père à la répétition d’un tout jeune chef, Zubin Mehta. Je l’ai reçue comme une révélation. […] Aujourd’hui, quand je dirige, j’espère toujours transmettre cette même émotion à quelques personnes dans la salle, » se souvient-il pour Télérama en 2007. Conscient des difficultés du métier, son père tente d’abord de le dissuader, avant de lui donner des leçons de composition, « pour que je sois capable un jour d’interpréter les œuvres des autres ». La relation père-fils sera souvent tendue. « Mais je lui dois mes bases les plus solides », reconnaît Riccardo Chailly.
A lire aussi
Il étudie au Conservatoire de Milan avec Franco Caracciolo. Puis avec Piero Guarino à Pérouse, et Franco Ferrara à Sienne. Selon lui, c’est à ce dernier qu’il doit sa gestuelle déliée. « Il m’a transmis une certaine idée du charisme : ayez foi en vous-même, imposez vos convictions ; soyez sincère face à l’orchestre. Ne jouez ni au dictateur, ni au démocrate, ni au démagogue. »
Auprès d’Abbado et de Karajan, Riccardo Chailly est à l’école de l’excellence
Le jeune homme fait ses débuts à Milan en concert en 1970, avant de diriger Werther au Teatro Nuovo deux ans plus tard. Mais il sent vite le besoin de se faire un prénom, hors d’Italie. Il démarre donc une carrière de chef invité, notamment aux Etats-Unis. S’il se familiarise d’abord avec le lyrique, c’est qu’il est en parallèle l’assistant de Claudio Abbado à La Scala de Milan. Il fera ses débuts officiels dans la prestigieuse maison en 1978 dans I Masnadieri de Verdi. Il se forme également auprès de Karajan pendant cinq ans, aux Philharmonies de Vienne et de Berlin. « J’étais le seul chef admis à ses répétitions. J’apprenais qu’un orchestre, fût-ce le Philharmonique de Berlin, doit se façonner coûte que coûte à la philosophie et à l’esthétique sonore de celui qui en a la charge, » raconte-t-il à Télérama. C’est Karajan qui lui demande de diriger le Gewandhaus de Leipzig à Salzbourg en 1986. Il ignore alors qu’il en prendra la tête vingt ans plus tard.
A lire aussi
Après le Concertgebouw d’Amsterdam, c’est au Gewandhaus de Leipzig de l’accueillir
Chailly prend son premier poste à demeure en 1980, à l’Orchestre symphonique de la Radio de Berlin. « Avec eux, j’ai appris la psychologie, mais aussi que tenir un orchestre requiert parfois une certaine violence, » avoue-t-il encore à Télérama en 2007. Parallèlement, il est chef invité permanent du Philharmonique de Londres. Puis, en 1988, il est nommé au Concertgebouw d’Amsterdam. Il y restera jusqu’en 2004, tout en gardant un pied dans sa ville natal puisqu’il est en même temps directeur musical de l’Orchestre Giuseppe Verdi de Milan. Il s’envole ensuite au Gewandhaus de Leipzig. « Des symphonies de Brahms, Mendelssohn Schumann et Bruckner [y ont été créées]. Cela s’entend, tant cet héritage vibre dans tous les pupitres de l’orchestre : un son aristocratique dans lequel les cordes sombres, profondes, d’une densité de texture unique, répondent à des cuivres d’une opulence sans limites. »
A lire aussi
Avec le temps, le chef accepte moins les invitations d’un soir, et privilégie le travail dans le temps avec une phalange. « Chef invité, c’est un moment de séduction. Si le charme opère, c’est magnifique, sinon, tant pis. On est déjà ailleurs. Je refuse cette posture. […] Inspirer tous les jours, c’est un autre métier, autrement plus éprouvant. Cela se façonne sur la confiance, »
Face à Beethoven et Brahms, le nouveau chef du Gewandhaus ouvre l’orchestre à la musique contemporaine
Riccardo Chailly aime les grands cycles : Beethoven, Malher, Bruckner, Stravinsky. De Brahms, il a gravé avec le Gewandhaus non seulement les symphonies et sérénades, mais aussi les concertos pour piano avec Nelson Freire et le concerto pour violon avec Leonidas Kavakos. C’est aussi avec le Gewandhaus qu’il enregistre Le Songe d’une Nuit d’été et accompagne Janine Jansen dans le Concerto n°2 de Mendelssohn, toujours chez Decca avec qui il a un contrat exclusif. Leipzig, c’est bien-sûr la ville de Bach, et Riccardo Chailly ne boude pas son plaisir : Concertos brandebourgeois, Passion selon St Matthieu, Oratorio de Noël et Concertos pour clavier sont tour à tour enregistrés dans la magnifique salle du Gewandhaus à l’acoustique exceptionnelle. Pas question néanmoins de s’enfermer dans la tradition. « Il faut amener les musiciens [du Gewandhaus] à sortir de la tradition. Le futur doit avancer et se développer dans différentes directions, » confie-t-il dans une interview pour le Ljubljana Festival en 2013. Chailly crée donc chaque année une œuvre contemporaine avec le Gewandhaus de Leipzig. Et n’hésite pas à croiser les époques. En 2011, il met en regard chacune des symphonies de Beethoven avec un compositeur contemporain : Mantovani, Boccadoro, Cehra, Matthews, et Schleiermacher. « Les idées qui en résultent sont de l’ordre de l’attirance, la suggestion, l’inspiration ou la provocation. Cela renouvelle l’approche de Beethoven, » explique-t-il à Concertclassic.com.
Riccardo Chailly et l’Orchestre du Gewandhaus dans le début de la 5ème Symphonie de Mahler
A la mort d’Abbado en 2014, Chailly lui succède à la tête de l’Orchestre du Festival de Lucerne. Il ouvre le festival suivant avec la 8ème Symphonie de Mahler, « la seule que Claudio, merveilleux mahlérien, n’avait pas faite. Nous [avons] dédicacé ce concert à sa mémoire », commente-t-il alors au Guardian.
L’opéra et la musique symphonique se partagent son emploi du temps
S’il est un remarquable symphoniste, Riccardo Chailly n’a cependant jamais abandonné le lyrique. De 1986 à 1993, il assure la direction musicale du Teatro Comunale de Bologne. A son arrivée à Leipzig en 2005, on lui confie aussi la direction musicale de l’Opéra. Puis en 2015, il rentre chez lui à Milan pour prendre la suite de Barenboim à La Scala. La boucle est bouclée. Si son prédécesseur avait plutôt dirigé du répertoire allemand, Chailly veut remettre l’opéra italien au premier plan. Il souhaite aussi développer les activités de l’orchestre, avec des concerts et des tournées. En 2020, paraissent un album consacré à des œuvres rares de Cherubini, puis un autre avec des pièces symphoniques de Respighi.
La carrière de Riccardo Chailly est époustouflante. Pourtant le maestro, qui parle couramment quatre langues dont le néerlandais, reste modeste, et n’a jamais cherché à être médiatique à tout prix. C’est sans doute cela, un grand artiste.
Sixtine de Gournay