Lorsque l’on veut citer un exemple de musicien perfectionniste, fantasque et génial à la fois, on pense tout de suite à Gould et à Michelangeli. Le pianiste italien a fini par construire sa propre légende, à coup d’exigences et de caprices (il faisait transporter son piano pour certains concerts) qui lui valaient autant de détracteurs que d’admirateurs. Ses enregistrements de Chopin, Schumann, Scarlatti, Debussy ou Ravel, restent parmi les plus réussis du patrimoine discographique.
Arturo Benedetti Michelangeli en 10 dates :
- 1920 : Naissance à Brescia
- 1930 : Conservatoire de Milan
- 1939 : Vainqueur du concours de Genève
- 1949 : Concert du centenaire Chopin à Varsovie
- 1960 : Concert au Vatican
- 1965 : Concerto de Grieg à Londres
- 1969 : Installation en Suisse
- 1988 : Malaise sur scène à Bordeaux
- 1993 : Dernier concert à Hambourg
- 1995 : Mort à Lugano
Le concours de Genève lance la carrière de Arturo Benedetti Michelangeli sous les auspices de Cortot.
Né dans une famille aisée aimant la musique, Arturo Benedetti Michelangeli commence le violon à 3 ans. Il se met ensuite au piano et suit l’enseignement de l’Institut musical de Brescia, pour entrer au conservatoire de Milan à 10 ans. Il obtient son diplôme quatre ans plus tard, en 1934. Dès lors, sa maîtrise technique du piano est acquise et sera la base de toute sa carrière.
A 19 ans, il remporte le concours international de Genève et est adoubé par Cortot qui l’appelle « le nouveau Liszt ». Le conservatoire de Bologne l’engage comme professeur. Il donne ses premiers concerts en Italie, en Suisse et en Espagne, et enregistre ses premiers 78 tours. Mais la guerre va perturber son parcours à partir de 1942. Il doit se cacher des fascistes, qui finissent par le trouver et l’emprisonner. Il est rapidement libéré et, à la fin de la guerre, reprend ses activités de professeur et de concertiste. A partir de 1948, il effectue de nombreuses tournées aux Etats-Unis jusqu’en 1971. Pour le centenaire de la mort de Chopin, il est invité à Varsovie pour un concert mémorable.
Il fonde en 1965 le festival de piano de Brescia et Bergame.
Dans les années 1950, il disparaît de la scène et se consacre à l’enseignement au conservatoire de Bolzano. Sa carrière repart ensuite dans toute l’Europe jusqu’à Moscou, et bientôt le Japon.
Il crée un festival international de piano dans sa ville natale de Brescia, à l’initiative du maestro Orizzio qui le dirigera longtemps, et vient y jouer les cinq premières années. Associé à Bergame, le festival se déroule pendant trois mois dans les magnifiques théâtres de ces deux villes toutes proches. Les plus grands solistes y viendront au fil des années rendre hommage à leur prestigieux aîné.
Après Bolzano, il donne des master class à Arezzo et à Moncalieri pour d’excellents jeunes pianistes comme Maurizio Pollini et Martha Argerich.
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Le pianiste s’installe en Suisse après une saisie de ses biens en Italie.
La faillite d’une maison de disques de Bologne, dont il était membre, déclenche en 1968 une procédure de saisie. Il quitte bientôt l’Italie pour la Suisse et à ne reviendra plus jouer dans son pays d’origine (sauf au Vatican, pour le pape). Il vivra désormais près de Lugano et, outre ses concerts, enregistrera beaucoup pour le label Deutsche Grammophon.
Première Ballade de Chopin (1962)
Sa réputation d’artiste renfermé sur lui-même est entretenue par un certain entourage et par les journalistes qu’il n’apprécie guère. Mais elle est contredite par son engagement constant dans l’enseignement et la formation des jeunes pianistes. Le musicien aime aussi les activités sportives diverses, parfois dangereuses, comme le ski et la course automobile.
Le musicien s’interrompt en plein concert à Bordeaux, victime d’un grave accident vasculaire.
A partir de 1985, sa santé devient problématique, lui rendant difficile la poursuite de sa carrière internationale. L’épisode dramatique du concert de Bordeaux le 17 octobre 1988, où il s’effondre sur scène, victime d’un accident vasculaire qui nécessite une opération délicate, montre qu’il était sérieusement atteint. Il reprend un an plus tard des concerts dans plusieurs villes d’Allemagne, à Munich avec le chef d’orchestre Celibidache, enfin à Hambourg pour son dernier concert en 1993.
Il meurt à Lugano en 1995. Sa vie d’artiste et de musicien fut pour lui bien plus que l’exercice d’une profession, « une philosophie » qui exige « un esprit de sacrifice inimaginable ». La clé, peut-être, de tous ses mystères.
Philippe Hussenot