Joe Biden en Ukraine : « Les premiers à se rendre à Kiev étaient Emmanuel Macron et Olaf Scholz » rappelle la porte-parole du Quai d’Orsay

Ukrainian Presidential Pr/SIPA

A la veille du triste anniversaire du déclenchement de la guerre en Ukraine, Guillaume Durand s’est entretenu ce jeudi 23 février sur l’antenne de Radio Classique avec Anne-Claire Legendre, porte-parole du Quai d’Orsay. Alors que le président américain Joe Biden semble avoir pris le leadership sur l’alliance occidentale face à la Russie, elle rappelle le rôle central de la France dans ce dossier.

 

Plus de 1,3 milliards d’euros de fonds russes ont été gelés du fait des sanctions européennes

Est-ce qu’au début de l’année 2022, les autorités militaires et diplomatiques françaises avaient été mises au courant d’une future offensive russe ?

Les inquiétudes sur la possibilité d’une offensive russe se sont faites jour dès l’automne, avant le lancement de l’offensive. Sergueï Lavrov [le ministre des Affaires étrangères russe] et le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou étaient à Paris en octobre, reçus par Florence Parly, ancienne ministre des Armées et Jean-Yves Le Drian, alors ministre des Affaires étrangères. Ils avaient exprimé vis-à-vis de leurs homologues russes le fait qu’une offensive russe, et toute atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine auraient des conséquences massives de notre part. Nous avions vu venir, malheureusement, cette montée vers la guerre et nous avons tout fait pour essayer de l’éviter.

 

Un chiffre a circulé concernant les avoirs russes en France des soutiens de Vladimir Poutine : on parle de 1,5 milliards d’euros. Est-ce vrai ?

Absolument, c’est plus de 1,3 milliards d’euros de fonds qui ont été gelés du fait des sanctions européennes. Ils concernent les oligarques russes, donc tous les cercles autour de Vladimir Poutine qui soutiennent l’effort de guerre et que nous avons souhaité cibler avec nos partenaires européens et du G7 pour faire en sorte d’affaiblir l’effort de guerre russe mené sur le terrain. Au-delà de ces fonds gelés d’individus, nous avons aussi gelé collectivement les fonds de la Banque centrale russe immobilisés à l’extérieur de la Russie. C’est plus de 300 milliards de fonds de la Banque centrale russe qui sont aujourd’hui immobilisés et auxquels la Russie n’a pas accès.

 

Est-ce que les proches du président Poutine ont vu leurs propriétés en France saisies ou immobilisées ?

Effectivement, il y a des personnes très proches du pouvoir qui ont été visées par ces sanctions et dont les biens en France, les biens immobiliers ou parfois des yachts ont été immobilisés. On ne peut pas les saisir au sens où aujourd’hui, le droit de propriété les protège et donc il faut une décision judiciaire. [Il y a eu des saisies] dans la mesure où il y avait une tentative de détourner ces fonds, par exemple une tentative de récupérer ces biens, quand bien même ils ont été gelés par les sanctions européennes.

 

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Le ministre des Outremers Sébastien Lecornu a déclaré qu’il n’existait pas de tabou concernant la livraison d’avions pour l’instant. Est-ce que la stratégie française pourrait évoluer dans ce domaine, c’est-à-dire de passer de défensive à l’utilisation de l’aviation ?

Le président ukrainien Zelensky était à Paris il y a encore quelques jours et a pu s’entretenir très longuement avec le président de la République. Il a fait valoir que les priorités de l’Ukraine aujourd’hui étaient de deux natures. Il s’agit [d’abord] d’artillerie et à cet égard, nous avons fourni de nouveaux canons César et renforcé très significativement les capacités d’artillerie ukrainienne mais également en matière de défense aérienne. Les villes ukrainiennes et les infrastructures civiles, notamment, sont ciblées par les frappes russes, et c’est très important pour [les Ukrainiens] de pouvoir disposer de capacités de défense aérienne. Et là encore, la France est présente pour répondre à la demande ukrainienne et nous avons fourni à la fois un nouveau radar, des missiles et des systèmes de défense antiaérienne qui permettent de répondre à cette menace.

 

Il n’est donc pas question de livrer pour l’instant des avions. Avez-vous le sentiment, comme diplomate, qu’une solution peut intervenir si Vladimir Poutine reste au pouvoir ?

Nous savons que nous sommes dans un processus de guerre longue, mais comme l’a dit le président de la République, la Russie ne peut pas et ne doit pas gagner cette guerre. Notre objectif aujourd’hui est d’intensifier et d’accélérer notre soutien à l’Ukraine pour faire en sorte qu’elle soit en position de recouvrer son intégrité territoriale et sa souveraineté, et à ce moment-là, on pourra rentrer dans une phase de négociation. Donc malheureusement aujourd’hui nous ne sommes pas dans un temps où le dialogue est possible mais comme l’a dit aussi [Emmanuel Macron], il ne s’agit pas pour autant d’écraser la Russie, il s’agit aujourd’hui d’assurer la défaite d’une agression sur le sol de l’Ukraine.

 

La visite du président américain Joe Biden en Ukraine a marqué les esprits, certains l’ont même comparée à celle de Kennedy en 1963, alors qu’il y avait une menace d’invasion russe à Berlin. Est-ce que le leadership repose entièrement dans les mains de Joe Biden ?

Il est évident que le soutien des alliés américains dans ce conflit est absolument crucial et c’est la raison pour laquelle nous nous coordonnons avec les États-Unis de façon extrêmement étroite. Mais je vous rappellerai que les premiers à se rendre à Kiev, c’était le président Macron, avec notamment son homologue allemand [Olaf Scholz] en juin dernier. Et donc ce voyage à Kiev, nous l’avons déjà fait. Ce soutien a été marqué par la France et les Européens. Je vous rappelle qu’à l’issue de ce de ce voyage qu’avait effectué le président de la République avec ses homologues, la décision avait été prise par l’Union européenne d’accepter la candidature de l’Ukraine à rejoindre l’Union européenne. C’est une autre marque de soutien politique absolument critique.

 

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