Demandez le programme, l’émission de David Abiker, vous propose chaque jeudi sur Radio Classique de découvrir la vie d’un compositeur en musique. Voici le parcours de Robert Schumann, qui s’inscrit dans le mouvement romantique.
Schumann décide d’étudier avec Wieck et s’installe chez son professeur à Heidelberg
Né le 8 juin 1810, à Zwickau, ville du Royaume de Saxe, Robert Schumann est le cinquième et dernier enfant d’August et Christiane Schumann. Son père est libraire, éditeur, écrivain et se fit remarquer par la publication d’une série consacrée aux classiques anglais, français, italiens et espagnols ; en particulier, il traduit et introduit en Allemagne Byron et Walter Scott. Comme son père, Robert se passionne pour la littérature et, à la suite d’un concert de Moscheles auquel son père l’avait emmené, il réclame un piano à la maison. Il écrit alors ses premiers textes et compose ses premiers morceaux. Malheureusement, sa sœur se suicide en 1826 et son père meurt peu après. Robert est alors envoyé par sa mère étudier le droit à Leipzig. Mais plutôt que de travailler le droit, il passe plutôt son temps à écouter le célèbre l’orchestre du Gewandhaus et fréquenter les sociétés musicales et philosophiques de la ville. C’est dans ces salons qu’il rencontre le facteur de piano Friedrich Wieck, qui comptait de nombreux élèves, dont sa propre fille Clara, l’une des enfants prodiges les plus brillantes de son temps. Schumann décide d’étudier avec Wieck et s’installe chez son professeur à Heidelberg en 1830 à l’âge de 20 ans. Wieck rassure la mère de Schumann en lui promettant de faire de son fils « en trois ans l’un des plus grands pianistes vivants, plus spirituel et chaleureux que Hummel, plus grandiose que Moscheles ».
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La Symphonie de Zwickau, son premier morceau symphonique inachevé
Robert publie ses premières pièces pour piano et compose en 1833 son premier morceau symphonique inachevé : la symphonie dite de « Zwickau ». Schumann travaille avec acharnement avec Wieck mais souffre déjà de « douleurs infinies dans le bras ». Bientôt, il se plaindra d’une paralysie de la main droite qui le contraindra à abandonner la carrière de virtuose, sans grands remords il est vrai, préférant l’écriture et la composition.
Le Carnaval op.9 a été composé en 1834, on y retrouve un portrait musical de Chopin
Le 3 avril 1834, Robert lance la Neue Zeitschrift für Musik, revue – qui existe toujours – où il part en guerre contre les « philistins », gardiens d’un ordre musical rétrograde. Y interviennent les membres des « Compagnons de David » (Davidsbund), société fictive où l’on retrouve entre autres Friedrich Wieck (maître Raro), sa fille Clara (Zilia) et Schumann lui-même, dédoublé en Eusebius, rêveur introverti, et Florestan, passionné et combatif. Robert se révèle un critique musical brillant, alternant l’humour, le sarcasme, l’éloge. Ses articles sur Schubert, Berlioz, Chopin… restent des modèles de critique poétique, d’autres comme ceux qu’il écrit sur Meyerbeer, sont d’une ironie et d’une virulence rares. Il se fiance la même année avec Ernestine von Fricken, fille d’un riche baron de Bohême et élève de Wieck, mais les fiançailles sont très rapidement rompues. Robert relate tous ces événements dans son Carnaval composé cette même année de 1834 : on y trouve un portrait musical de Chopin, Ernestine est évoquée sous le nom d’Estrella, Clara Wieck sous celui de Chiarina, et l’œuvre se termine par la marche des Davidsbündler contre les philistins !
La Symphonie n°1 « Le Printemps », une oeuvre de Schumann dirigée par Felix Mendelssohn
Clara Wieck est devenue une jeune femme reconnue et adulée. L’admiration de la jeune fille pour le « cher Monsieur Schumann » et l’affection de Robert pour la jeune pianiste se transforment peu à peu en passion, et le premier baiser est échangé fin novembre 1835. Mais Friedrich Wieck voit d’un mauvais œil une liaison qui pourrait compromettre la carrière de sa fille. Le 13 septembre 1837, Schumann demande officiellement la main de Clara et essuie un refus brutal. La correspondance continue, Wieck a recours au chantage affectif, à l’intrigue, à la calomnie. Tout cela ne fait qu’intensifier le roman d’amour. Clara et Robert portent alors plainte contre Wieck pour refus de consentement de mariage. Le jugement favorable est rendu le 1er août 1840 et le mariage a lieu à Schönefeld le 12 septembre. Entre-temps, Robert noue des liens d’amitié avec Mendelssohn, Chopin et Liszt, et rencontre aussi Ferdinand Schubert, le frère de Franz Schubert, qui lui confie divers manuscrits ainsi qu’une copie de la Grande Symphonie en ut majeur. Schumann sera l’artisan de la première exécution de la Symphonie en ut de Schubert par le Gewandhaus de Leipzig dirigé par Felix Mendelssohn. En 1841, Schumann écrit sa première symphonie, la Symphonie du printemps, qui sera également créée par Felix Mendelssohn à la direction de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig.
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Le Quatuor pour piano et cordes, une pièce composée dans la quiétude de la vie conjugale
Le couple Schumann s’installe dans sa vie conjugale. Robert compose, effectue le travail d’éditeur de sa revue. En 1843, il enseigne au conservatoire de Leipzig, créé par Mendelssohn. Clara s’occupe du foyer, lit Goethe, Shakespeare, étudie les œuvres de Bach, Beethoven, Chopin et bien sûr de Schumann. Elle réalise les réductions pour piano de ses œuvres orchestrales, compose quelques pièces pour piano. Les Schumann font salon, organisent des concerts et des lectures, reçoivent… Après la musique symphonique, Robert s’intéresse davantage à la musique de chambre et compose en une seule année trois quatuors à cordes dédiés à Mendelssohn, le Quintette avec piano, et son Quatuor avec piano. Face à tant de succès, Friedrich Wieck, impressionné, propose la réconciliation.
L’ouverture Manfred , un mélodrame d’après le poème de Byron
Bien que les revenus du compositeur Schumann augmentent sensiblement, les dépenses sont grandes et les tournées de Clara aident à renflouer les caisses. En janvier 1844, les Schumann partent pour une tournée de quatre mois en Russie. Mais Robert considère dégradant son rôle de « mari de la pianiste ». En outre sa santé empire. Il est sujet à des phobies, des crises d’angoisse, des vertiges, qui s’accentuent au cours des voyages. Au retour de Russie les symptômes s’aggravent et à l’automne 1844, il sombre dans une profonde dépression, accompagnée des symptômes déjà connus et d’un acouphène qui reviendra par la suite. Le couple décide alors de s’installer à Dresde, où il emménage le 11 décembre 1844. Clara dispose maintenant d’un salon de musique à elle où elle peut répéter sans déranger Robert. La santé de Robert s’améliore mais reste fragile. Sa popularité de compositeur s’accroît, même en dehors d’Allemagne : il termine en 1845 son Concerto pour piano, compose en 1846 sa Deuxième Symphonie en ut majeur, et son Premier Trio en 1847. Après le choc de la mort de Mendelssohn, l’année 1848 voit l’achèvement de son unique opéra, Genoveva, qui ne remportera qu’un succès d’estime, ainsi que de Manfred, mélodrame pour voix parlée, chœur et orchestre d’après le poème de Byron.
Le Concerto pour violoncelle, une oeuvre composée à un moment difficile de la carrière de Schumann
En 1850, la ville de Düsseldorf offre à Schumann le prestige d’une position de directeur général de la musique et un revenu annuel de 750 thalers. Pour Clara c’est la perspective de reprendre une activité régulière de concertiste. Robert compose alors la Symphonie « Rhénane », mais son peu d’aptitude à la direction d’orchestre va vite amener une situation de conflit. Il manque d’autorité, sa battue est peu claire, il s’exprime d’une voix faible et peu intelligible, les répétitions l’épuisent et il doit les interrompre fréquemment : Schumann a de plus en plus de mal à diriger un orchestre avec un chœur composé en grande partie d’amateurs et qui, livrés à eux-mêmes, entrent en quasi-rébellion. A cette même période, il compose son Concerto pour violoncelle.
Les Märchenerzählungen pour Clarinette, alto et piano, composées juste après la rencontre avec Brahms
Le 30 septembre 1853, par l’intermédiaire du violoniste Joseph Joachim, ami du couple Schumann, Johannes Brahms se présente à eux et leur joue ses premières compositions. Ils l’accueillent avec enthousiasme. Entre le 9 et le 11 octobre Robert compose les Märchenerzählungen pour Clarinette, alto et piano. Mais l’acouphène de Robert reprend et tourne en hallucinations acoustiques. Dans ses hallucinations il entend un thème qu’il note et sur lequel il compose les Variations des esprits (Geistervariationen). Le 27 février 1854, il sort de chez lui, en pantoufles, et, après avoir traversé Düsseldorf sous la pluie, se jette dans le Rhin. Clara se réfugie avec ses enfants chez une amie et Robert est conduit à l’asile du Dr Richarz à Endenich, près de Bonn, dont il ne sortira plus. Clara se rapproche de Brahms et pendant l’été 1854 Robert attend en vain de ses nouvelles. Clara qui ne lui communique même pas la naissance de son fils Felix. A l’asile, Schumann reçoit les visites de Brahms et Joachim et son état de santé s’améliore. En mai 1855 il espère pouvoir quitter l’asile, mais Clara rencontre alors le Dr Richarz et lui expose qu’il n’est pas question de faire rentrer un Robert « à demi-guéri » à la maison. Le déclin de celui-ci s’accentue lorsqu’il se rend compte qu’il n’a plus d’espoir de sortir. Il écrit sa dernière lettre à Clara le 5 mai. À partir du printemps 1856 il refuse la nourriture. Les 16 et 17 avril 1856 il brûle les lettres de Clara et d’autres papiers personnels. Le 23 juillet 1856, Robert est mourant. Clara se décide finalement à le revoir. « Il me sourit », écrira-t-elle, « et d’un grand effort m’enserra dans ses bras. Et je ne donnerais pas cette étreinte pour tous les trésors du monde ». Le 29 juillet, dans l’après-midi, Robert Schumann s’éteint.
David Abiker et Camille Taver