Brahms : Son talent précoce, ses amours malheureuses, ses échecs… 4 anecdotes sur le compositeur romantique

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Après Gustav Mahler et Joseph Haydn, Demandez le programme vous propose de découvrir la vie de Johannes Brahms, en musique. Si le compositeur des Danses hongroises, a marqué toute une époque et même plus, que connaissez-vous réellement de lui ?

 

Une enfance prometteuse : Brahms se produit dès ses 13 ans

La légende raconte que la naissance du compositeur, le 7 mai 1833, aurait retardé une représentation de l’Orchestre du théâtre de Hambourg où son père, Johann Jakob, y était corniste. Très doué pour le piano, le jeune Brahms se produit dès ses 13 ans dans les tavernes de Hambourg. Le reste du temps, il compose. Lors d’une tournée de concerts à Hanovre, il rencontre le violoniste Joseph Joachim qui l’introduit auprès de Franz Liszt, avec lequel il aura peu d’affinités musicales. A l’inverse, il se lie d’amitié avec Robert Schumann qui dira à son sujet : « Il est venu cet élu, au berceau duquel les grâces et les héros semblent avoir veillé. Dès qu’il s’assoit au piano, il nous entraîne en de merveilleuses régions, nous faisant pénétrer avec lui dans le monde de l’idéal. Quand il inclinera sa baguette magique vers de grandes œuvres, quand l’orchestre et les chœurs lui prêteront leurs puissantes voix, plus d’un secret du monde de l’idéal nous sera révélé ». Voilà qui met une grosse pression sur le jeune Brahms qui brûlera ses premières œuvres, à l’exception de la Sérénade n°1 écrite en 1857. Il a alors 24 ans.

Ecoutez le premier mouvement de la Sérénade n°1 de Brahms :

Brahms tombe sous le charme de Clara Schumann

Lors de sa rencontre avec Robert Schumann, Brahms est également fasciné par son épouse Clara, compositrice et pianiste virtuose très renommée. Après l’internement en hôpital psychiatrique de Robert, la relation entre Johannes et Clara s’intensifie et leur correspondance adopte une tonalité passionnée. Mais la mort en 1856 de Robert éloigne Brahms de sa Clara qu’il ne parvient pas à consoler. Il lui adresse  une lettre résignée : « Les passions doivent vite s’estomper, ou alors, il faut les chasser » lui écrit-il. En plus de sa déception amoureuse, Brahms perd sa mère. Il en fera le Requiem allemand. C’est lors de la composition de son Requiem allemand que Brahms quitte Hambourg pour Vienne. Il s’y produit en virtuose. La création de ce requiem à l’église de Brême en 1868, est un succès. Deux ans après, Brahms rencontre le chef d’orchestre et pianiste Hans Von Bülow qui défend et fait connaître sa musique. Viendra plus tard un succès encore plus grand : celui des Danses hongroises, inspirées d’airs tziganes très populaires. Le grand public le découvre alors. Célébré, Brahms s’enrichit et son éditeur le supplie de composer de nouvelles pièces. Il écrit alors ses quatre symphonies en 9 ans, un temps record. La première est créée en 1876 à Karlsruhe. Hans Von Bülow dira même de cette première symphonie, qu’elle pourrait être la 10ème symphonie de Beethoven.

 

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Mais Brahms garde la tête froide : « Vous ne savez pas quelles sensations nous, les compositeurs, nous éprouvons lorsque nous entendons derrière nous les lourds pas d’un géant comme Beethoven ». En 1878 et 1881, Brahms compose son 2ème concerto pour piano. Il continue d’écrire à Clara, en tout bien tout honneur. Ils parlent de musique sur les braises d’un amour impossible, il y décrit ce deuxième concerto comme une tout petite chose, une babiole. Il répète avec l’ami Von Bülow à Meiningen et crée l’œuvre en novembre 1881 à Budapest. Cette année-là, Brahms a 38 ans. Il est toujours célibataire et le restera, ce qui ne l’empêchera pas de connaître de nombreuses amoureuses. Bel homme avec beaucoup d’humour, on lui prête ce bon mot : « Il me serait aussi difficile d’écrire un opéra que de me marier ».

 

De l’échec au succès : le cas de la 4ème symphonie

Si son premier concerto n’a pas marché, le second va rencontrer immense succès qui lui assurera une série de concerts à Vienne, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Hongrie. C’est la gloire. C’est lors d’un séjour dans les Alpes que Brahms s’attaque à sa 4ème et dernière symphonie crée en octobre 1885. L’accueil est mitigé car l’œuvre présente en effet la particularité de s’achever par un quatrième mouvement qui est construit sous la forme ancienne de la passacaille. Il y développe trente variations sur un motif de basse, emprunté à la chaconne de la Cantate BWV 150 de Jean-Sébastien Bach. La 4ème symphonie de Brahms est injustement appréciée. Entre modernisme et classicisme à la Beethoven, les mélomanes la considèrent aujourd’hui comme la plus réussie.

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Mais parlons un peu du personnage car Brahms est un personnage. Vieux garçon, il a aussi été jeune premier. Solitaire, il a néanmoins beaucoup séduit. Sans descendance, il s’est pourtant bien occupé des enfants de son entourage avec lesquels il aimait jouer. Monument national de son vivant, il était généreux, adorait blaguer : « Si parmi les personnes présentes, il en est une que j’ai oublié d’insulter, je lui demande de bien vouloir me pardonner ».  Homme du 19ème siècle, il est le premier compositeur de cette époque à graver sa musique grâce à Thomas Edison. Le scientifique envoie un ingénieur pour l’enregistrer avec un gramophone en 1889.

Ecoutez le premier enregistrement de Brahms sur un gramophone en 1889 :

Brahms, un esthète convaincu

Enfin, Brahms était rondouillard mais bon nageur, actif, vif, ouvert à la modernité, curieux de tout. En 1886, il devient président d’honneur de l’Association des musiciens de Vienne. Adulé, décoré, célébré, il garde sa franchise : « Je préfère penser à une belle mélodie que recevoir l’ordre de Léopold ». Il compose pendant l’été 1893 les Klavierstücke opus 119, ces « berceuses de ma souffrance » selon ses propres mots, sont ses dernières compositions pour piano seul. À qui pense-t-il en les écrivant ? Peut-être à Clara Schumann : « Chaque mesure et chaque note doit sonner comme si on voulait extraire de ses dissonances de la mélancolie avec volupté et délectation ! ».

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En 1894, trois ans avant sa mort, Brahms compose sa dernière œuvre de musique de chambre : les deux Sonates pour clarinette et piano op.120. Clara Schumann s’éteindra deux ans après, en mai 1896. Brahms lui écrit peu de temps avant sa mort : « Si vous croyez devoir attendre le pire, accordez-moi quelques mots, avec lesquels je peux venir voir s’ouvrir encore les beaux yeux, avec lesquels beaucoup se refermera pour moi ». Tout proche de sa fin, Brahms demande à ce qu’on lui serve un verre de vin. Un vin du Rhin qu’il aime particulièrement. Il boit tout doucement et lance, non pas « c’est bon » mais « c’est beau ». Ce seront les dernières paroles d’un homme qui aimait la vie et la consacra à l’art et à la beauté. Brahms laisse une œuvre considérable au très grand public qui ne le connaît pas, le titre d’un livre de Françoise Sagan Aimez-vous Brahms ou encore la chanson Baby alone in babylone de Serge Gainsbourg sur l’air de sa 3ème symphonie.

Ecoutez la composition de Serge Gainsbourg sur la 3ème symphonie de Brahms : 

 

David Abiker

 

 

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