Quelle est l’histoire du Lac des cygnes de Tchaïkovski ?

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Puisez dans les origines mythologiques, ajoutez-y une pincée de légende germanique et de faits historiques, mélangez le tout sous l’égide de Tchaïkovski, compositeur alors novice en la matière et cela vous donnera (malgré tout) le ballet le plus célèbre au monde. Découvrez l’histoire du Lac des Cygnes.

 

L’HISTOIRE : Le Lac des Cygnes parle de l’amour entre le prince Siegfried et la princesse Odette

Siegfried est un prince rêveur et sentimental. A l’aube de sa majorité, il doit se marier, contraint par sa mère et son précepteur. Alors qu’un bal se prépare en l’honneur des noces, le jeune seigneur lève les yeux au ciel et aperçoit une nuée d’oiseaux blancs. Il décide de les suivre jusqu’au lac des cygnes puis pointe son arbalète sur l’un d’eux. Tout à coup, l’animal se transforme en une jeune femme resplendissante. Siefried tombe aussitôt amoureux d’Odette, princesse victime d’un mauvais sort du diabolique baron Von Rothbart. Elle a été changée en cygne et ce n’est qu’à la nuit tombée, sur les berges du lac enchantée, qu’elle peut redevenir elle-même. Seul un serment d’amour éternel et passionné pourrait conjurer le sort. Or l’amour entre Siegfried et la princesse est réciproque. Le lendemain, lors du bal organisé dans la salle opulente du palais, les prétendantes pressent le pas pour rencontrer le prince Siegfried. Parmi elles s’est glissé le baron Von Rothbart en compagnie de sa fille Odile. Grâce à ses pouvoirs, celle-ci revêt la même apparence que la princesse Odette. Habillée en noir, il s’agit pourtant de son double maléfique. Siegfried, tombé naïvement dans le piège du sorcier, promet devant l’intégralité de la cour qu’il épousera cet alter ego. Lui apparaît alors l’image d’un cygne blanc. Le héros se rend compte de la terrible erreur qu’il vient de commettre. Il court rejoindre Odette sur les bords du lac, mais il est déjà trop tard. La malédiction est irrévocable. Après des étreintes passionnées, Odette et Siegfried préfèrent alors tous deux se donner la mort plutôt que de laisser le mal triompher. Les amants maudits se jettent alors dans le lac. Si cette fin vous semble trop sombre, les compositeurs et chorégraphes en ont inventé plus d’une dizaine différente. Cela témoigne, de fait, du succès du Lac des Cygnes dans l’histoire de la musique et de la danse (succès qui ne fût pourtant pas initial, mais ça, c’est une autre histoire). Sachez que si vous préférez les happy ends, il vous faudra plutôt opter pour la version du Mariinsky. Siegfried y combat Von Rothbart, Odette retrouve sa forme humaine et épouse son héros. Les ballets russes privilégient d’ailleurs davantage cette chute. Mais si vous aimez les fins résolument tragiques alors, choisissez celle du chorégraphe Rudolf Noureev composée en 1986 pour l’Opéra de Paris. Le baron triomphe en enlevant Odette dans les cieux, la gardant prisonnière à tout jamais. Siegfried quant à lui, sombre peu à peu dans la folie avant de mourir. Vous ne pourrez pas trouver pire en somme…

 

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LA MUSIQUE : Tchaïkovski a composé une musique figurative pour Le Lac des Cygnes

Dans la scène introductive, lorsque Siegfried est près du lac, Piotr Ilitch Tchaïkovski, qui a composé une musique figurative, a choisi le hautbois pour illustrer le chant du cygne. Puis, la coda (la partie conclusive) est jouée tutti c’est-à-dire par tout l’orchestre, un passage qui souligne le danger encouru par les oiseaux. La musique perd finalement en intensité en s’évanouissant doucement decrescendo, comme pour évoquer le renoncement du personnage qui repose son arbalète. Tendez donc un peu l’oreille car si le hautbois symbolise le chant élégant du cygne, la harpe en arpège illustre les mouvements de l’eau du lac. Les trémolos des cordes- qui sont la répétition rapide d’un son – traduisent quant à eux, le reflet de la lumière sur l’eau. A la fin du ballet, lorsque Siegfried se rend compte de sa tragique erreur et retrouve Odette, la musique se fait profondément expressive et agitée via le motif chromatique de la composition musicale. En effet, cette suite de notes est composée de demi-tons qui donnent cet effet très saccadé qui traduit la puissance dramatique de la scène finale.

 

 

LES INSPIRATIONS : Le Lac des cygnes vient d’un conte allemand et de la mythologie grecque

Ce ballet aux allures chimériques serait inspiré d’un conte allemand : l’histoire du Voile dérobé de l’écrivain Johann Karl August Musäus. Narrant l’histoire d’un ensorceleur et de son voile magique – qui lui permet de faire apparaître des cygnes blancs – la ressemblance des deux arguments est indéniable. Le livret signé en 1875 par Vladimir Begichev, qui est alors intendant du Grand Théâtre de Moscou, semble également puiser ses références dans la mythologie grecque. Cette allégorie du cygne n’est pas sans rappeler la métamorphose de Zeus dans sa conquête amoureuse avec Léda, reine de Sparte et épouse du roi Tyndare. On raconte aussi que de son côté, Tchaïkovski portait une grande admiration à son contemporain le roi Louis II de Bavière. Le comte palatin au destin tragique – qui avait choisi pour emblème de sa maison le Cygne – se serait ainsi vu attribuer les traits du héros Siegfried.

 

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Cette œuvre plus complexe qu’elle n’y paraît, aux vues de son incontestable popularité, a été composée en seulement une petite année. Tchaïkovski est alors le tout premier compositeur symphonique à créer pour la danse. Et ce, malgré les avertissements de Nicolaï Rimski-Korsakov qui jugeait ce travail trop indigne pour son ami. Tchaïkovski lui répondra : « Il n’y a pas de genre inférieur en musique, il n’y a que de petits musiciens ». A travers cette vingtième œuvre du compositeur russe, certains diront avoir vu une émanation inconsciente et magnifiée de l’homosexualité de Tchaïkovski et de sa propre « malédiction ». D’autres y voient seulement une œuvre enfantine. Mais quelles que soient les interprétations, Le Lac des Cygnes est un chef-d’œuvre incontournable du répertoire romantique et ça, c’est indéniable.

Ondine Guillaume

 

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