Avec le Concerto pour piano « l’Empereur », Beethoven marque une véritable révolution dans le genre ! Aucun compositeur avant lui n’avait écrit un premier mouvement d’aussi vaste dimension : six cents mesures !
La faiblesse dynamique du pianoforte se heurtait à un orchestre puissant, à la nomenclature inédite. Le défi paraissait impossible à relever.
1809 ! Ce fut une année “maudite” pour l’Autriche. L’invasion des troupes napoléoniennes et l’occupation de Vienne pour la seconde fois par les troupes françaises, le traumatisme des bombardements des 11 et 12 mai 1809 marquèrent les Autrichiens. Les exhortations à la révolte que l’on peut lire sur les manuscrits du nouveau Concerto en mi bémol majeur que compose alors Beethoven sont sans équivoque : Angriff ! Sieg ! (Attaque ! Victoire !). Toutefois, l’année 1809 ne fut pas improductive pour le compositeur, car bon nombre de chefs-d’œuvre virent le jour : la Sonate pour piano « Les Adieux », le 10ème Quatuor à cordes op.74 ainsi que ce 5ème Concerto pour piano.
A lire aussi
La gestation de la partition fut laborieuse. Esquissé en 1808, le premier mouvement ne fut achevé qu’au mois d’octobre 1809. Beethoven dédia le Concerto à l’archiduc Rodolphe en remerciements de son soutien financier. Que penser alors du sous-titre “Empereur” accolé à la partition ? Les musicologues s’interrogent encore sur sa signification qui s’avère en contradiction avec les idées libérales du musicien. Aujourd’hui, ils ont acquis la quasi-certitude qu’il s’agit d’un titre apocryphe.
Le premier mouvement laisse place nette au piano. S’agit-il d’une improvisation couchée par écrit ?
L’orchestre symphonique (sans trombone mais avec des cors et des timbales) surgit avec une énergie jubilatoire et agressive. Quel contraste avec l’apparition du second thème, plus mystérieux et alternant les tonalités majeur et mineur ! Trois courtes cadences au début du concerto apparaissent d’autant plus originales que la fin du mouvement ne propose aucune autre cadence. La grande virtuosité de l’écriture est portée par des formules rythmiques qui sont celles de la marche, mais aussi de l’écho de musiques révolutionnaires et militaires.
A lire aussi
D’emblée, le second mouvement du Concerto frappe par sa simplicité
L’Adagio un poco moto s’enchaîne au premier mouvement. Il s’ouvre par une sorte de choral aux cordes seules. Beethoven y a cherché de multiples variantes afin d’offrir les “broderies” les plus naturelles au clavier dans son dialogue avec les cors. Le dépouillement de l’écriture et l’atmosphère presque religieuse suspendue sur la note “si” du piano, préparent l’entrée du final.
Final du Concerto « l’Empereur » (Krystian Zimerman)
Le final, enchaîné au deuxième mouvement, s’inspire d’une danse populaire
Le Final, un rondo Allegro ma non troppo, évoque une danse populaire par un simple motif développé sur l’arpège de mi bémol. Le sentiment d’improvisation prévaut comme au début du concerto. Le soliste tente plusieurs ouvertures pour mieux lancer le final triomphant. Le dialogue avec les cors et plus encore les timbales est particulièrement dense.
A lire aussi
Le Concerto n°5 fut probablement créé le 28 novembre 1811 par l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Mais Beethoven ne put en être le soliste car à cette époque, il était déjà atteint de surdité.
Stéphane Friédérich