Mission Eurêka : étudier les nuages pour comprendre le réchauffement climatique

Eurêka, c’est le nom d’une mission scientifique de grande envergure qui commence ce lundi 20 janvier au large de la Barbade, dans les Caraïbes. Une mission internationale mais imaginée par des chercheurs français. Ils partent à la chasse aux nuages et aux tourbillons dans l’océan.

Ecoutez 3 minutes pour la planète de Baptiste Gaborit

 

 

Eurêka, la première campagne d’étude aussi complète des nuages

On sait que les nuages jouent un rôle dans la météo à court terme. Ce que l’on connaît moins, c’est leur rôle pourtant capital dans le système climatique à long terme, notamment sur le réchauffement climatique. Sandrine Bony chercheuse au CNRS, au laboratoire de météorologie dynamique et coordinatrice de cette mission Eurêka rappelle que d’une part, les nuages réfléchissent les rayons du soleil. Ils ont donc un effet refroidissant sur la Terre. Mais d’autre part, ils interagissent aussi avec les rayonnements infrarouges ; ce qui contribue à l’effet de serre. Les scientifiques s’interrogent aujourd’hui. À mesure que le climat se réchauffe, l’effet refroidissement va-t-il se renforcer ou va-t-il s’atténuer ?

 

A lire aussi

 

Auquel cas, le réchauffement dû aux gaz à effet de serre s’amplifiera. Comment les nuages vont donc répondre au réchauffement ? Cela fait 40 ans que les climatologues se posent la question et c’est toujours aujourd’hui un mystère. Et la principale incertitude concerne les nuages bas, comme les petits cumulus d’Alizée, très fréquents notamment au-dessus des océans tropicaux. Selon Sandrine Bony, les modèles qui prévoient un très fort réchauffement prédisent une diminution de ces petits nuages. Pour tester la crédibilité d’anticipation des modèles actuels, il faut évaluer leur capacité à prédire ces cumulus d’Alizée. Il s’agit du but de la campagne Eurêka, « la première à observer de façon aussi complète à la fois les propriétés nuageuses et celles de l’environnement dans lequel se forment les nuages ». Pendant un mois, les scientifiques vont relever de nombreuses mesures : quantité d’eau, taille des gouttes, mouvements internes des nuages… Ils devraient mobiliser 5 avions de recherche, une multitude de drones, mais aussi 4 navires océanographiques.

 

Mieux anticiper les cyclones pour protéger les populations

Une des autres inconnues de l’équation climatique sont les transferts entre atmosphère et océan. Celui-ci capte les rayonnements solaires et les transforme en chaleur et en énergie. Seulement, dans cette région du monde, des tourbillons brassent de l’eau plus chaude qu’ailleurs. Avec quelles conséquences ? Impossible de le savoir puisque les modèles climatiques ne prennent pas en compte ces spécificités locales. Y remédier est un des objectifs de cette mission, qui doit permettre aussi de mieux repérer les mécanismes à l’œuvre pour la formation de cyclones. Pour Sabrina Speich, océanographe et physicienne pour le laboratoire de météorologie dynamique, deux difficultés demeurent : connaître leur trajectoire et le moment où ils vont s’intensifier. Le savoir permettrait de mieux protéger les infrastructures et la société de manière à ce que dans le futur, elles puissent s’adapter à ces changements. Au total, plus de 30 institutions scientifiques issues de 11 pays différents vont participer à cette mission, et des centaines de scientifiques mobilisés sur le terrain durant un mois. Mais il faudra de 3 à 5 ans pour intégrer les résultats de cette campagne dans les modèles climatiques et ainsi réduire l’incertitude sur le réchauffement futur.

Baptiste Gaborit

 

Retrouvez d’autres articles de 3 minutes pour la planète