C’est à la fois une impasse écologique et une crise économique : les nouveaux quotas de pêche décidés à l’échelle européenne ce 15 décembre ont fait l’effet d’une bombe dans la filière avec -36% pour la sole.
L’effort de réduction de la pêche devrait permettre que les stocks se renouvellent
La nouvelle a provoqué la colère des pêcheurs vendéens, pour qui la sole est l’une des principales ressources. La ministre de la mer Annick Girardin s’est rendue hier soir à leur rencontre à Noirmoutier, elle a annoncé un plan d’accompagnement pour le secteur. Ce fut une réunion avec des pêcheurs pleins d’amertume, qui se sentent abandonnés par le gouvernement, trahis par l’Union européenne. La baisse de 36% est drastique et vient s’ajouter à des années de restrictions croissantes. En cinq ans, la marge a diminué de moitié.
A lire aussi
Julien Lamothe de l’organisation « From Sud ouest » représente une centaine de pêcheurs dans le Golfe de Gascogne. Il explique qu’au milieu des années 2000, le quota pour la France était de 4500 tonnes de Soles : « le quota imposé aujourd’hui est inférieur à 2000 tonnes, c’est une baisse énorme ». La mesure pourrait ne pas avoir les effets escomptés et résoudre le problème de la faible survie des juvéniles de sole qui empêche la reproduction. Olivier Le Pape, enseignant-chercheur à l’Institut Agro, souligne qu’il n’y a pas d’explication rationnelle à la diminution récente du renouvellement du stock. « Il était très clair jusqu’à la fin des années 2000 que le niveau de mortalité par pêche était beaucoup trop fort pour renouveler le stock », explique-t-il. Il juge qu’on paie les pots cassés des années d’excès, et que l’effort de réduction de la pêche devrait permettre que les stocks se renouvellent.
Les restrictions sur les quotas commencent dès le 1er Janvier 2022
Les regards se tournent donc vers d’autres causes, vers les côtes, là où se concentrent les juvéniles de soles. Jusqu’à un an, ces poissons sont très sensibles à la qualité de l’eau. Une eau dégradée non pas au niveau de la mer, mais des fleuves, explique Olivier Le Pape, lié notamment à la pollution. Les efforts écologiques sur terre prennent là encore du temps à se ressentir en mer. En attendant c’est toute la filière qui est impactée, des pêcheurs aux amareyeurs à qui on a donc proposé hier soir un plan d’accompagnement, dont les contours sont encore flous.
A lire aussi
Christian Cloutour, qui dirige la criée de L’Herbaudière à Noirmoutier, dénonce une mesure qui prendra du temps : « pour avoir les subventions il faut déposer un dossier, qu’il soit étudié, etc. Cela servira peut-être à certains, mais la majorité des marins-pêcheurs ont répondu qu’ils voulaient aller travailler, et ne voulaient pas d’aide ». La solution pour le gouvernement : aller pêcher d’autres espèces, mais les délais sont trop courts : les restrictions sur les quotas commencent dès le 1er Janvier 2022 : « il faut changer de matériel de pêche, de filets », assure Christian Cloutour, « il faut débourser de la trésorerie, et entre la commande et la livraison, il faut attendre 6 mois. On fait comment ?». Surtout que ces reconversions vont sans doute mettre la pression sur le merlu, pour qui – là aussi – il y a des quotas restreints car les stocks sont menacés.
Laurie-Anne Toulemont