Mort de Bernard Tapie : que retient la presse de son parcours ?

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Un journal sur deux fait ce matin la une sur la mort de Bernard Tapie. Un battant, pour le Parisien-Aujourd’hui en France. Un destin hors normes pour l’Est Républicain, un homme qui osait tout pour les dernières nouvelles d’Alsace. Mais c’est l’Equipe qui dit sans doute le mieux cet homme hors du commun et dont la vie fut un spectacle auquel furent conviés les Français pendant 40 ans. A jamais le boss titre le quotidien l’Equipe à l’ex-président de l’OM.

Emmanuel Macron, supporter de l’OM, a adressé une lettre hommage à Tapie à la Provence

L’Equipe a choisi un gros titre laudateur et plein de nostalgie, mais la photo dit autre chose. Elle montre un Bernard Tapie les traits tendus, le regard inquiet, presque fiévreux, comme si dans sa course à la réussite, Bernard n’avait jamais vraiment su ce qui faisait courir Tapie. C’est la part d’ombre de l’homme d’affaires qui transpire ici derrière la façade médiatique. Une vie en clair-obscur titre la Marseillaise, tandis que Libération ne ménage pas celui qui avait chanté J’aurais voulu être un artiste ou Réussir sa vie.

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Le quotidien titre Toutes affaires cessantes réduisant en 10 pages -à charge- Bernard Tapie à un repris de justice alors qu’il fut bien plus que cela. Comme le titre la Dépêche du Midi, Bernard Tapie fut un roman français… Et le quotidien La Provence parle du boss lui aussi. C’est à Marseille que l’on regrette le plus l’ex-président de l’OM, celui qui donna à la ville un titre de Champion d’Europe contre le Milan AC un 26 mai 1993 à Munich. C’est sans doute pour la même raison qu’Emmanuel Macron, supporter de l’OM, aux petits soins avec la cité phocéenne notamment depuis la rentrée, a adressé une lettre hommage à Tapie à la Provence, s’adressant aux lecteurs du journal dont Tapie était l’actionnaire principal au même titre que Var Matin, Nice Matin ou Corse Matin.

 

Bernard Tapie, saint-patron de Marseille ?

Emmanuel Macron adresse une missive empreinte de nostalgie qui dit ceci : « Le visage de la victoire s’en est allé. Pour tous les Marseillais, pour tous les passionnés de football, pour moi, Bernard Tapie restera à jamais celui qui, à force d’énergie, d’engagement et de talent, emmena l’OM sur le toit de l’Europe. Je n’oublierai pas cette nuit enchantée de mai 1993 où, quelques minutes après le but de Basile Boli, porté en triomphe par quelques hommes en blanc et bleu, il brandit, sourire aux lèvres, la coupe aux grandes oreilles tant attendue par toute une ville, par tout un peuple. C’était cela, Bernard Tapie. Une force. Une volonté. Une rage de vaincre qui semblait dire à tous ceux qu’il croisait : Gamin, tout est possible ».

 

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Et le Président n’hésite pas un peu plus loin à transformer Bernard Tapie en saint-patron de Marseille : « son souffle continuera d’habiter la Cité phocéenne. Depuis le cimetière de Mazargues il continuera, j’en suis sûr, de veiller sur cette ville. Nous serons d’ailleurs sans doute quelques-uns à continuer de croire qu’il n’est pas parti, pas lui. Puisque tout est possible. Alors, nous le reconnaîtrons, nous ordonner, mi-sérieux, mi-goguenard, de continuer de croire en nos rêves ». Un saint-patron, vous dis-je, ce qui n’est pas l’angle ni de Libération, ni de la Marseillaise, ni de Sud-Ouest.

 

« Bernard Tapie était le miroir des fractures du roman national », selon Yves Thréard du Figaro

Chacun de ces journaux évoquent les affaires, une vie en clair obscur. Les éditos font un portrait de Tapie qui raconte un peu la France sur 40 ans. Yves Thréard le résume très bien dans le Figaro : « Bernard Tapie était le miroir des fractures du roman national » : le culot, la gouaille du beau gosse irritait certains, en ravissaient d’autres. Une histoire bien française somme toute, dans un pays où le succès est toujours un peu suspect, mais où les affranchis du système sont applaudis pour leur audace. Tapie était le miroir de nos contradictions, conclut Thréard. Dans Libération, Paul Quinio évoque lui aussi cet effet miroir et dit les choses autrement, s’étonnant de l’indulgence de la France vis-à-vis de l’homme d’affaires : « les Français ont toujours semblé prêts à tout pardonner à ce menteur de bonne foi ».

 

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Tapie était en fait le miroir dans lequel la France n’osait pas se regarder en face : homme d’affaires dans un pays qui dans les années 90 était encore farouchement anti business mais qui sut apprécier son ton populiste avant l’heure. Le mystère tapie réside là : il raconte une France en transition qui regardait déjà l’avenir avec inquiétude mais se réconfortait en s’identifiant à un bandit sympathique qui lui faisait croire qu’elle était plus forte qu’elle ne l’était. Vos journaux retracent donc ce matin l’itin raire d’un enfant issu d’un milieu modeste qui aura tour à tour incarné l’entreprise, le football, les affaires et cette façon qu’ont les médias de tendre toujours le micro et la caméra à ceux qui parlent fort et qui font des hauts et des bas de leur vie un sujet d’intérêt national. Paradoxe d’un homme d’affaires qui n’aura rien construit – à part un lien fort avec l’opinion – comparé à ceux qui ont bâti des groupes qui pèsent réellement et durablement dans l’économie française et internationale. N’empêche, l’histoire de Tapie parle au gens au point que Netflix va en faire une série. C’est Laurent Lafitte qui incarnera l’homme d’affaire dans une série en 6 épisodes de 45’ intitulée wonderman et réalisée par Tristan Seguela, fils du publicitaire Jacques Séguela. Wonderman du nom des piles dont Tapie reprit la marque dans les années 80 et dont il fit lui-même la réclame dans un spot de publicité réalisé par Jacques Séguéla, le père de Tristan. La boucle est bouclée

David Abiker

 

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