LALO Edouard

(1823-1892) Epoque romantique

Edouard Lalo : le succès immédiat et international rencontré par la Symphonie espagnole suffirait à sa gloire. Le compositeur connut pourtant des débuts difficiles : découragé par l’indifférence du public, il délaissa pendant plusieurs années la composition afin de se reconvertir en instrumentiste en fondant le Quatuor Armingaud. Bien que grand admirateur de l’orchestre de Lohengrin et de Tristan et Isolde, il sut placer sa personnalité à l’abri des brumes wagnériennes et livra, dans les années 1870, une série de chefs-d’œuvre où se fait jour un style éminemment « français », caractérisé par sa clarté, son charme, sa couleur et son éclat.

Edouard Lalo en 10 dates :

  • 1823 : Naissance à Lille
  • 1833 : Entre au Conservatoire de Lille
  • 1843 : Etudie la composition auprès de Julius Schulhoff et Josèphe-Eugène Crèvecoeur, à Paris
  • 1848 : Premières compositions connues, qu’il montre à Hector Berlioz
  • 1856 : Participe à la création du Quatuor Armingaud
  • 1874 : Symphonie espagnole
  • 1877 : Concerto pour violoncelle
  • 1881 : Le Roi d’Ys, opéra
  • 1882 : Namouna, ballet
  • 1892 : Mort à Paris

 

Natif de Lille, Edouard Lalo poursuit ses études à Paris où il connaît des débuts difficiles

Né à Lille – là n’est pas le moindre paradoxe de ce futur chantre de l’Espagne -, Edouard Lalo étudie le violon et le violoncelle au Conservatoire de sa ville natale avant de se soustraire à l’autorité paternelle en allant poursuivre, dès l’âge de 16 ans, ses études à Paris auprès de Habeneck (violon), Crèvecoeur et Schulhoff (composition). Contraint de gagner sa vie de façon précaire, il joue du violon et donne des leçons particulières. Il noircit du papier à musique de romances dans le goût de l’époque et, quand l’inspiration est au rendez-vous, des œuvres chambristes plus élaborées… qu’il ne parvient malheureusement pas à faire éditer. En 1855, dépité par ces échecs successifs, il renonce un temps à composer et tient la partie d’alto au sein du Quatuor Armingaud-Jacquard.

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Ayant épousé une chanteuse, Julie Besnier de Maligny, qui interprète ses mélodies, il met en chantier un premier opéra, Fiesque d’après Schiller. Ayant échoué au concours parrainé par le Théâtre-Lyrique, il recyclera cet opéra dans plusieurs pièces ultérieures, dont le Divertissement (1872) que Pasdeloup crée avec succès aux Concerts populaires. Tandis qu’un vent de fraîcheur semble souffler sur la vie musicale française, Edouard Lalo participe à la fondation de la Société nationale de musique dans l’attente d’une rencontre opportune autour de laquelle son talent, qu’il sent parvenu à maturité, trouverait à se cristalliser.

 

Pablo de Sarasate crée la Symphonie espagnole, l’ouvrage le plus populaire de Lalo, désormais inscrit au répertoire des grands violonistes

L’illustre violoniste Pablo de Sarasate répond enfin à cette attente : il assure la première du Concerto pour violon en 1873, et fait acclamer deux ans plus tard la Symphonie espagnole, certainement l’ouvrage le plus populaire de celui qui, à l’instar de Bizet, n’a jamais mis un pied dans la péninsule Ibérique. Le compositeur déploie, dans cette œuvre combinant deux genres (symphonie et concerto), toute sa maestria orchestrale enveloppée de rythmes vibrants et de mélodies entêtantes en vertu d’un folklore hispanique réinventé. Entre habanera langoureuse et rondo final sur fond de basse obstinée, le soliste ne manque pas d’occasions de briller. Inspiré par son épouse d’origine bretonne, il se lance dans un autre opéra, Le Roi d’Ys, mais fait montre d’un tel acharnement au travail (14 heures par jour) qu’une attaque d’hémiplégie l’oblige à solliciter l’aide de son ami Gounod pour parachever l’orchestration. Refusé partout, ce second ouvrage lyrique attendra douze ans sa création à l’Opéra-Comique en 1888 : un véritable triomphe (plus de 100 représentations en un an)… qui vaudra à Lalo la Légion d’honneur !

Final « Rondo. Allegro » de la Symphonie espagnole (Leonidas Kavakos, Orchestre de la Radio Télévision espagnole, dir. Enrique Garcia Asensio)

 

 

Son ballet Namouna s’impose comme son second chef-d’œuvre, bien qu’il ne rencontre pas le même succès que la Symphonie espagnole

Tout en continuant à produire plusieurs pièces pour orchestre (Concerto pour violoncelle, chéri des violoncellistes, Rhapsodie norvégienne, Concerto « russe » pour violon, Symphonie en sol mineur), Lalo accepte la commande d’un ballet pour l’Opéra de Paris. Ainsi naît Namouna, d’après un épisode des Mémoires de Casanova, dont l’intrigue se résume comme suit : « Namouna, une esclave grecque, appartient à un corsaire, Adriani, qui la joue aux dés et la perd. Furieux, Adriani cherche tous les moyens possibles d’arracher Namouna à l’heureux gagnant, don Ottavio ; mais la jeune fille s’est amourachée de son nouveau maître et s’enfuit avec lui, après avoir fait poignarder le corsaire et emprisonner ses compagnons de piraterie ». Le public, comme la critique, fut dérouté par la richesse (harmonique, rythmique) des 23 numéros de la partition. Lalo allait en tirer une suite d’orchestre, appelée quant à elle à une destinée moins funeste et atteignant même une certaine célébrité au début du siècle dernier. Avaient ainsi raison de manière posthume les fervents partisans de l’œuvre à sa création, parmi lesquels on comptait Emmanuel Chabrier, Ernest Chausson, Claude Debussy et Gabriel Fauré. Laissons à ce dernier le mot de la fin et le soin de définir l’art du compositeur : « Rien n’y manque : ni l’éclat ni la verve, ni la gaieté ; et cependant la tenue artistique reste parfaite ».

 

Jérémie Bigorie

 

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