L’art lyrique français doit beaucoup à Gounod, qui au milieu du XIXème siècle, crée un style différent du bel canto italien et du romantisme de Wagner. Son Faust a été longtemps l’opéra le plus joué dans le monde. Mais sait-on que sa passion de jeunesse était la musique religieuse ? Nous connaissons son célèbre Ave Maria. Pourtant cette pièce sur le premier prélude du Clavier bien tempéré de Bach cache… une déclaration d’amour pour une jeune élève.
Charles Gounod en 10 dates :
- 1818 : Naissance à Paris
- 1839 : Prix de Rome
- 1851 : Sapho (création)
- 1859 : Faust (création)
- 1864 : Mireille (création)
- 1867 : Roméo et Juliette (création)
- 1870 : S’installe en Angleterre pour fuir la guerre
- 1876 : Messe solennelle du Sacré Cœur
- 1885 : oratorio Mors et Vita
- 1893 : Mort à Saint-Cloud
Charles Gounod a bénéficié d’une formation musicale complète au Conservatoire de Paris
Sa mère lui apprend le piano dès cinq ans, puis il bénéficie des enseignements de grands maîtres : Reicha, Halévy et Lesueur au Conservatoire de Paris. Il remporte le prix de Rome et part à la Villa Médicis. A son retour à Paris en 1843 il prend le poste de maître de chapelle des Missions étrangères, qu’il garde cinq ans. Puis la cantatrice Pauline Viardot encourage Gounod à composer son premier opéra sur Sapho, la poétesse de l’antiquité grecque. Elle créé le rôle à l’Opéra de Paris, salle Le Peletier, en 1851. Les représentations de Sapho s’arrêtent à la neuvième, mais les critiques sont plutôt bonnes, en particulier celle de Berlioz très admiratif de l’acte III, avec l’air célèbre « Ô ma lyre immortelle ! ».
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Faust a connu un accouchement difficile, entre les réticences des directeurs d’opéra et les aléas des interprètes
La création de l’opéra le plus célèbre de Gounod ne fut pas une sinécure. L’Opéra ayant refusé le projet, le Théâtre Lyrique l’accepte mais il s’écoulera trois ans avant sa création. Et de nombreuses coupures seront faites à la demande du directeur. Après le remplacement d’un ténor incompétent, Faust est enfin créé en mars 1859, avec succès. L’acte III contient les deux airs fameux, celui de Faust «Salut, demeure chaste et pure» et celui de Marguerite, l’air des Bijoux, «Ah! Je ris de me voir si belle en ce miroir.».
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Très vite tous les opéras d’Europe et même des Etats-Unis reprennent l’œuvre, qui ne quittera jamais le répertoire. Quatre ans plus tard, en 1863, Frédéric Mistral accueille Gounod en Provence, après avoir accepté que son poème devienne un opéra. En quelques mois, Gounod compose ainsi Mireille qui raconte l’histoire entre Arles et les Saintes-Maries-de la Mer, d’une jeune fille riche éprise d’un pauvre vannier. Mireille en mourra, dans les bras de son amoureux. Le succès n’est pas tout de suite au rendez-vous à Paris. Les reprises ultérieures, parfois avec des changements notables, y compris un happy end, seront mieux accueillies.
L’air des bijoux, « Ah, je ris de me voir si belle », de Faust (Elsa Dreisig)
A son tour Gounod s’inspire du mythe des amants de Vérone, et triomphe avec Roméo et Juliette
Le triomphe de Gounod fut la création de Roméo et Juliette en 1867, au Théâtre Lyrique du Châtelet, avec une centaine de représentations dès la première année. Aussitôt Covent Garden, New York, Bruxelles et La Scala donnent l’œuvre, qui ne sera créée au Palais Garnier qu’en 1888 avec la grande Adelina Patti. L’air de Juliette «Je veux vivre dans ce rêve» est devenu un tube mondial repris par toutes les sopranos lyriques dans leurs récitals.
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Alors que la France et la Prusse entrent en guerre en juillet 1870, Gounod quitte rapidement Paris et part s’installer à Londres où il restera quatre ans, s’éprenant d’une cantatrice anglaise pour laquelle il compose Polyeucte. Toutefois le couple se sépare, et Gounod rentre à Paris où il créé Polyeucte au Palais Garnier en 1878… sans grand succès. Le compositeur dira pourtant que c’est son opéra préféré ! C’est en tout cas son avant-dernier opéra, toujours avec les mêmes librettistes Barbier et Carré. Son ultime ouvrage est Le Tribut de Zamora, créé à l’opéra de Paris en 1881.
La musique religieuse accompagne les dernières années de sa vie
Gounod est peut-être celui qui a composé le plus de messes, environ une quinzaine, dont la Messe de Sainte Cécile, la Messe du Sacré Cœur et trois Requiem. Il consacre la fin de sa vie à la musique religieuse. Deux oratorios sont créés au Festival de Birmingham, la Rédemption en 1882, et Mors et Vita en 1885. Sa dernière apparition publique a lieu au Châtelet en 1890 pour un concert dédié à ses œuvres. Peu après il compose un court oratorio que l’on a longtemps cru perdu, Saint François d’Assise, et récemment retrouvé. Sa dernière composition est une mélodie sur un poème de La Fontaine, « Tout l’univers obéit à l’amour ». Il meurt en 1893 dans sa maison de Saint-Cloud. Lors des funérailles nationales à la Madeleine, Saint-Saëns tient l’orgue et Fauré dirige la maîtrise. Un bel hommage à l’un des maîtres du chant français du XIXème siècle.
Philippe Hussenot