À tout juste 34 ans, la jeune soprano Sud-Africaine, née dans un township du Transvaal, sera à partir de ce soir la Violetta inédite de la Traviata qui marque la rentrée de l’opéra de Paris au palais Garnier. Consécration pour une jeune femme qui interprètera ce rôle très exigeant pour la première fois mais qu’elle aborde avec sérénité, soutenue par ses nombreux admirateurs et ses très nombreux followers sur les réseaux sociaux.
L’immense responsabilité de Violetta
C’est une véritable « standing-ovation » qui a salué la prestation de Pretty Yende (que Laure Mézan avait reçue le 28 mars) lundi lors de l’avant-première réservée aux jeunes de moins de 28 ans de cette Traviata, version Millenials, mise en scène par Simon Stone, aux côtés du ténor Benjamin Bernheim (Alfredo Germont) et du baryton Ludovic Tézier (Georgio Germont). Un accueil qui a « sidéré » (sic) la chanteuse: « Je planais… j’ai senti que j’étais désormais capable de chanter ». Il est vrai qu’affronter cet opéra de Giuseppe Verdi, l’un des plus joués au monde, et surtout ce rôle, sur lequel les sopranos sont souvent jugées est un challenge qui demande une certaine maturité et une belle dose de courage comme le confirme Pretty Yende : « Ça été très éprouvant pour les nerfs (…) c’est tellement connu et vocalement tellement exigeant. On m’a offert ce rôle à plusieurs reprises mais je n’étais pas prête… je n’avais pas assez d’expérience sur scène, et interpréter Violetta nécessite plus qu’un joli visage et une jolie voix ». Elle reconnaît également que l’approche décontractée du metteur en scène australien, l’un des plus demandés sur la scène européenne et qui fait également ses débuts à l’Opéra de Paris, l’a « libérée de l’immense responsabilité de Violetta », cette courtisane en vue du 19e siècle atteinte de tuberculose qui, éprise d’Alfredo, se sépare de lui à la demande du père de ce dernier avant que les deux amoureux ne soient réunis aux derniers moments de sa vie.
Pretty Yende, connectée et lucide
30 000 abonnés à son compte Instagram, plus de 40 000 sur ses comptes Facebook, des milliers sur Twitter, plus de 1000 publications avec le hashtag #prettyYende. La chanteuse Sud-Africaine est l’une des artistes lyriques les plus suivies sur les réseaux sociaux qu’elle alimente elle-même et suit de très près pour communiquer avec ses fans, s’informer et même se perfectionner et s’imprégner d’un rôle, comme elle l’avoue : « J’ai regardé une centaine de Violetta sur YouTube, que ce soit une vidéo de 1909 ou une datant d’hier ». Mais derrière ce qui pourrait passer pour de l’insouciance ou un effet de mode, la jeune femme, qui a découvert l’opéra à 16 ans en entendant le fameux « Duo des fleurs » de Lakmé dans une publicité avant de connaître un parcours extraordinaire, ne veut pas qu’on ne voit d’elle que ces photos très glamour et son côté résolument positif. Elle ne cache pas ses angoisses et ses doutes: « J’essaie d’éviter d’entrer en concurrence avec la Pretty Yende parfaite sur Instagram. Je suis quelqu’un de positif mais je ne suis pas toujours forte, la plupart du temps, on n’est pas content de la manière dont on a chanté. On est déprimé, on pleure, on est seul. Je dois être honnête et dire que la carrière d’un chanteur lyrique de nos jours est l’un des choix les plus difficiles à faire en raison du nombre d’exigences extrêmes. On nous demande d’être plus forts en comparaison à nos idoles du passé qui se concentraient sur la voix. Ça peut être à la fois excitant et décourageant ».
À noter que les 18 et 26 septembre, 6, 9, 12 et 16 octobre, Pretty Yende sera supplée dans le rôle de Violetta par la soprano tchèque Zuzana Marková.
La Traviata au Palais Garnier (Opéra de Paris) du 12 septembre au 16 octobre. Séance du 24 septembre retransmise en direct au cinéma à 19h15 en France, Allemagne, Belgique, Autriche, Espagne, Irlande et Italie. Retransmission intégrale sur Radio Classique début 2020.
Philippe Gault (avec AFP)