La ville de Berlin vient de publier une liste de rues et de places de la capitale allemande dont les 300 noms, parmi lesquels celui du compositeur Richard Wagner, évoquent des références antisémites et qui « appellent à un débat de société ». Un recensement contre lequel s’insurge Barrie Kosky, le metteur en scène d’opéra et dirigeant du Komsiche Oper de Berlin, petit-fils d’émigrants juifs installés en Australie.
L’avenue Charles de Gaulle et la place Pierre de Coubertin visées
Après Salzbourg et Munich c’est Berlin qui a décidé, à l’initiative du commissaire de la ville chargé de la lutte contre l’antisémitisme, de lancer un recensement des rues et places de la capitale allemande dont les noms évoquent des références antisémites. Officiellement, cette liste de près de 300 noms a pour vocation d’apporter des éléments à « un important débat social ». Il n’empêche que l’auteur du rapport, Felix Sassmannshausen, suggère en face de chaque nom recensé les mentions : « À renommer », « demande des recherches plus poussées » ou « devrait intégrer des éléments de contextualisation ».
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Dans cette nomenclature quelques noms peuvent surprendre. C’est le cas des théologiens Martin Luther et Jean Calvin à l’origine du protestantisme, dont des rues berlinoises portent le nom, de Charles de Gaulle (avenue), qui aurait eu une position antisémite pendant la Guerre des 6 jours ou encore du Baron Pierre de Coubertin (Platz) dont la pensée olympique aurait véhiculé « Une idée nationaliste censée être antisémite et conservatrice » et qui a eu des liens avec le régime nazi.

Barrie Kosky : « C’est horrible que qu’on fasse des listes en Allemagne au 21e siècle »
Sans surprise apparait dans cette liste le nom de Richard Wagner déjà stigmatisé à Salzbourg et Munich pour ses liens plus ou moins directs avec le nazisme. Une place et une rue portent son nom à Berlin où existent également des rues Lohengrin, Walkyrie, Rienzi ou Tannhäuser. Autant de noms que le rapport suggère de retirer. Une stigmatisation qui fait réagir Barrie Kosky, le célèbre metteur en scène d’opéras australien, petit-fils d’émigrants juifs d’Europe, pour qui Wagner « a causé beaucoup moins de problèmes aux Juifs en Allemagne que les Églises catholique et protestante pendant 2000 ans. Effacer son nom de la Wagner Platz n’aiderait personne et ne sauverait pas une seule vie juive ».
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Interrogé par le Berliner Zeitung, le dirigeant du Komsiche Oper s’insurge contre ce genre d’inventaire. « C’est horrible que qu’on fasse des listes en Allemagne au 21e siècle. Nous avons assez vu de listes allemandes au 20e siècle. Non seulement à l’époque nazie, mais aussi en RDA. En Allemagne au 21e siècle, il devrait y avoir une interdiction des listes. Les listes sont dangereuses. Artistiquement, politiquement et socialement » déclare-t-il, ajoutant que « cette liste ne fait pas de différence entre un homme politique, un artiste, un auteur. On dirait que cette liste a été basée sur une recherche Wikipédia et Google pour trouver ces noms ».
Philippe Gault