Anne-Sophie Mutter multiplie les récitals solidaires pour soutenir ses collègues musiciens en Allemagne très affectés par la crise sanitaire et la fermeture des salles de concert. Dans un entretien la violoniste s’étonne que les lieux de cultes restent accessibles aux fidèles alors que les lieux de culture sont fermés au public.
Anne-Sophie Mutter se demande si l’Allemagne est toujours « une nation de culture »
Depuis quelques semaines Anne-Sophie Mutter donne des récitals pour collecter des dons en faveur des musiciens allemands durement touchés depuis le début de la pandémie de Covid 19. Des récitals proposés dans des lieux de culte, rares espaces publics encore ouverts en Allemagne alors que les salles de spectacle devraient rester fermées au moins jusqu’au 20 janvier. Une situation paradoxale pour la violoniste qui s’en est émue lors d’une interview ce week-end à la radio catholique de Cologne Domradio.
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« Je suis très reconnaissante qu’il y ait des services religieux dans lesquels la musique a toujours joué un rôle majeur. Cela nous permet d’ailleurs en ce moment d’y être présents musicalement et donc de pouvoir en profiter aussi pour faire appel à la solidarité et finalement à la charité. Mais je ne comprends pas pourquoi la religion a la priorité sur l’art et la culture. L’art est un droit fondamental tout comme la liberté de pratiquer sa religion. L’Allemagne est-t-elle un nation de culture ou pas ? » s’insurge la violoniste.
95% des artistes allemands vivent autour du seuil de pauvreté, selon Anne-Sophie Mutter
Dans cet entretien, Anne-Sophie Mutter, elle-même touchée par le coronavirus en mars, dénonce également la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les musiciens en Allemagne : « Depuis mars, on ne peut pratiquement plus jouer. Il faut garder à l’esprit que 95% des artistes allemands vivent au niveau du seuil de pauvreté (environ 12 000 €/an, ndlr). Il y a bien une aide publique à l’échelle nationale, mais les critères sont tellement complexes que beaucoup ne peuvent en bénéficier. Et quand bien même, 3000 euros pour une année sans revenus vous imaginez bien que ça ne suffit pas. On ne peut pas en mourir, mais pas non plus vivre avec ».
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La violoniste n’est pas la seule personnalité de la musique à s’investir dans ce combat pour défendre les intérêts de la profession en Allemagne. Ainsi Kent Nagano, le directeur musical général de l’Opéra d’État de Hambourg, a participé au récital donné par Anne-Sophie Mutter le week-end dernier dans l’église luthérienne Saint-Michel et la cheffe d’orchestre mexicaine Alondra de la Parra a dirigé un concert solidaire en ligne à l’Opéra de Stuttgart le 7 décembre. La semaine dernière un collectif de musiciens, emmené par le baryton Christian Gerhaher, a même annoncé envisager le dépôt d’une plainte pour exiger la réouverture des salles de concert bavaroises.
Philippe Gault