Les internes en médecine sont aujourd’hui en grève générale suite à la décision du gouvernement de leur imposer une année supplémentaire d’étude. Exténués par des semaines intenses, parfois livrés à eux mêmes dans l’hôpital, ces étudiants n’en peuvent plus.
Nicolas, interne à Créteil, travaille jusqu’à 60 heures par semaine pour 1300 euros
C’est une grogne de plus dans le monde de la santé. Les étudiants en médecine sont dans la rue aujourd’hui, appelés à une grève générale par leur syndicat. La décision du gouvernement d’imposer aux internes en médecine générale une quatrième année d’études, effectuée « en priorité » dans les déserts médicaux, ne passe pas. Cette mesure porterait à dix ans la durée totale de la formation pour devenir médecin généraliste. Les internes demandent le retrait de cette mesure, inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale actuellement débattu à l’Assemblée nationale.
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C’est en fait un malaise plus profond qui touche les internes en médecine comme Nicolas. Interne en médecine générale à l’hôpital Henri-Mondor a Créteil, il enchaîne les gardes de nuit aux urgences jusqu’à 60 heures par semaine. Une responsabilité énorme alors qu’il n’est qu’étudiant, pour un maigre salaire de 1.300 euros. Ce qui lui pèse le plus est le sentiment d’être livré a lui-même et de « se retrouver seul à gérer les patients » pendant la nuit. Il ne communique que très peu avec ses chefs à ce sujet. « Beaucoup d’internes pleurent, on n’est pas soutenu alors on essaie d’être solidaire en espérant que ça se termine », soupire-t-il.
Les internes en médecine se suicident trois fois plus que le reste de la population
Actuellement, les internes représentent 40% du personnel médical de l’hôpital public. Les médecins « seniors » se font de plus en plus rare et cela a des conséquences sur les patients. « On est tellement fatigué qu’on fait des erreurs, souvent à 3 heures du matin quand on n’est pas frais », regrette Camille Kepéklian, interne à la Pitié-Salpêtrière a Paris. « On n’a pas la même capacité d’analyse et de réflexe. Alors ça devient une remise en question permanente ». L’impression d’être une variable d’ajustement, la solitude et les horaires à rallonge… tout cela pèse sur la santé mentale. « Il y a trois fois plus de suicides chez les internes que dans la population, avec en moyenne un suicide tous les 16 jours », alerte Jonathan Moisson, du syndicat des internes des hôpitaux de Paris. « On a l’impression d’être le tampon du gouvernement ! » Et cela ne va pas aller en s’arrangeant. Depuis un an, les médecins qui partent à la retraite sont plus nombreux que les nouveaux internes en médecine. Les experts estiment qu’il faudra attendre 2035 pour inverser cette tendance.
Rémi Pfister
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