Patrick Artus était l’invité de la matinale de Dimitri Pavlenko ce lundi 7 juin. L’économiste publie La dernière chance du capitalisme aux éditions Odile Jacob, une invitation à réformer notre modèle économique pour contrer les inégalités et l’inefficacité d’un système qui a déraillé du chemin que lui traçait les néo-libéraux des années 1980.
Patrick Artus : « Les promesses des néo-libéraux ne se sont pas révélées correctes »
Patrick Artus fait le constat d’un système capitaliste ayant complètement déraillé et arrivé à un point où une réforme de fond et nécessaire s’il l’on souhaite éviter une grave crise : « Le capitalisme est un animal bizarre et économiquement inefficace (…) Les promesses des néo-libéraux ne se sont pas révélées correctes, c’est à dire un système avec peu d’état, peu de protection sociale, plus de pauvreté et d’inégalité mais beaucoup de croissance, d’emploi, et une économie innovante ». Selon l’économiste, le capitalisme a déraillé de nombreuses façons jusqu’à devenir un système inefficace aux préceptes très éloignés du libéralisme originel : « Chez Reagan on cassait les monopoles, libérait le concurrence, baissait les impôts, ce qui est devenu très bizarre c’est que le capitalisme est très déréglementé dans le marché du travail mais on a reconstitué des monopoles, des droits de douanes (…) ce n’est plus le capitalisme néo-libéral des années 1980 mais un capitalisme de rente, avec des rentes de monopoles et monétaires ».
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Patrick Artus s’étonne du manque de critique libérale de ce système, compte tenu du fait que le capitalisme est aujourd’hui bien différent du modèle des années 1980, y compris aux Etats-Unis dont il compare l’interventionnisme étatique à celui chinois : « même s’il y a des grandes différences dans les libertés politiques ou individuelles entre les deux pays, l’interventionnisme de l’Etat est très grand aux Etats-Unis (…) C’est pour ça que ce n’est plus un capitalisme libéral (…) Même le Trumpisme avec ses monopoles, droits de douanes, son protectionnisme et sa préférence pour les produits nationaux n’est pas du tout du libéralisme (…) La composante de ce système est qu’il protège les rentiers ».
Patrick Artus : « On se dirige vers une crise très dure du capitalisme »
Le capitalisme est donc, selon Patrick Artus, en voie de mourir, tant il est attaqué de tous les côtés, ne correspond plus à aucune idées politiques sociétales et est maintenu en vie artificiellement par des politiques monétaires folles : « La critique de gauche pointe les inégalités, la concentration de la richesse dans de moins en moins de mains (…) La critique libérale se questionne sur ce système de rentes et de monopoles où on ne distribue pas aux salariés les gains de productivité (…) Une troisième critique concerne le fait que le capitalisme ne tient maintenant que grâce à l’aide des Etats et depuis 10 ans par le soutien monétaire (…) C’est ce qui va achever le système, car on le tient à bout de bras avec des déficits publics financés par la création monétaire de la banque centrale (…) On est inondé de monnaie, ce qui fabrique des déséquilibres financiers énormes ».
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Ce constat accablant dressé par Patrick Artus aboutit néanmoins à un début de solution, le retour de l’Etat aux premier plan pour combler les failles du marché, l’ordolibéralisme : « Il faut réfléchir au système d’après, une solution qui tente certains peut être le capitalisme autoritaire, comme le capitalisme chinois (…) Une autre possibilité, c’est le retour à l’ordolibéralisme, la pensée allemande des années 1930 ou celle de Milton Friedman dans les années 1960 (…) Aujourd’hui l’Etat s’occuperait du climat, de la pauvreté, de l’éducation, de la santé, tout en restant dans le cadre du marché ».
Rémi Monti
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