Le phénomène politique Zemmour est le prolongement et l’aboutissement d’un phénomène éditorial et médiatique. Cela fait des années que ses livres sont des best-sellers et que ses émissions font des cartons d’audience. Éric Zemmour a su capter l’attention.
Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen en sont à leur troisième tour de piste
Zemmour comptait déjà dans le débat public. Son entrée en politique est un pari incertain, mais elle ne vient pas de rien. Le buzz incroyable autour de sa démarche s’explique par une certaine monotonie de l’offre de la présidentielle. Emmanuel Macron est en fonction et un sortant intrigue toujours moins qu’un conquérant. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen eux, en sont à leur troisième tour de piste – on commence à les connaître, la gauche n’a plus d’idées et la droite n’a pas encore de candidat. Zemmour détonne dans cette monotonie. Il est cet acteur qui dérange, fascine ou révulse dans un théâtre qui ronronne. L’opinion et il faut le dire, les médias, raffolent de ces moments de perturbation du jeu. Il faut également ajouter une explication de fond plus idéologique. On est dans une nation qui se droitise et s’inquiète de sa perte d’identité. La société est à fleur de peau et tout débat appelle un choc des radicalités. Eric Zemmour par son parler sans concession et par son obsession identitaire incarne ce moment.
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Zemmour, crédité entre 8 et 10% des intentions de vote au premier tour de la présidentielle
Pour l’instant il s’arroge une part du gâteau et une part non négligeable. Entre 8 et 10 %, c’est autant ou souvent plus que des professionnels comme Mélenchon ou Anne Hidalgo. Il ne change cependant pas la structure de la compétition présidentielle. Disons qu’il assèche la candidature de Nicolas Dupont-Aignan, il fragilise celle de Marine Le Pen et affaiblit celle à venir de la droite. Pas encore de quoi remettre en cause une finale Macron-Le Pen. Disons le quand même, il les inquiète tous et les rend fébriles. Par ses sorties, par exemple sur l’obligation de prénoms français, il dicte les débats qui enflamment les chaînes d’info. Ça ne durera peut-être qu’une, deux ou trois semaines mais pour l’instant on ne parle que de lui. Zemmour ne pouvait rêver meilleure rampe de lancement pour sa campagne. Le mois de septembre est le mois de ce qu’on appelle la pré-campagne c’est-à-dire où des bulles peuvent gonfler autour d’une candidature, puis éclater. On site toujours l’exemple de Jean-Pierre Chevènement qui était monté jusqu’à 14 % et a finalement terminé à 5%. Zemmour, lui, préfère se voir dans la peau d’Emmanuel Macron dont on disait aussi au départ qu’il ne serait qu’une mode éphémère. Son problème, ce n’est pas tant de tenir dans les sondages que de prouver qu’il ne peut à la fois comprendre la France et avoir un projet global qui ne soit pas monothématique.
Guillaume Tabard