Opéra, mode d’emploi : Nos petits conseils pour une première soirée réussie

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Franchir la porte d’un opéra pour la première fois amène souvent de nombreuses questions. Quel est le bon moment pour applaudir ? Pourquoi certains n’hésitent pas à huer ? Voici un petit guide pour que votre sortie musicale se passe le mieux possible !

Si l’on peut être tenté d’applaudir après un air phare d’une œuvre par exemple, certains chefs d’orchestre peuvent préférer maintenir la tension musicale. Dans ce cas de figure, les applaudissements ne sont pas de rigueur. Mais en réalité, cette question de l’applaudissement cristallise un enjeu : celui du rapport entre le public et l’artiste.

Le socio-anthropologue et spécialiste des pratiques artistiques et culturelles Fabrice Raffin affirme que l’opéra serait tout d’abord une forme esthétique majoritairement fréquentée par les classes supérieures. Il explique que chez ces publics, il faudrait davantage faire preuve de « respect » envers l’artiste que « d’investissement ».

Les émotions ont toute leur place à l’opéra, mais dans le respect des artistes

Cela signifie que la participation à une représentation se doit d’être modérée : « A l’opéra, on demande une certaine retenue. On ne doit pas pleurer, on ne doit pas fredonner ni même battre la mesure. La retenue se joue là » confie-t-il.

C’est d’ailleurs ce qui différencierait, selon lui, le moment culturel d’autres moments de la vie sociale : « On peut exprimer ses émotions : pleurer et rire, s’exclamer, mais toujours avec retenue et contemplation ». Le paradoxe de cette expérience esthétique se rapporterait finalement – à peu de choses près – à l’expression : point trop n’en faut !

D’ailleurs, si cette retenue est propre à l’opéra en musique, on retrouve la même chose dans le sport, assure Fabrice Raffin. Si dans les pratiques sportives telles que le golf et le polo – où la pondération est de rigueur – dans les sports plus populaires comme le football ou la boxe c’est une autre histoire : « On n’a pas peur d’y aller ».

« Un opéra n’est pas une messe » insiste Jean-Philippe Thiellay

Selon le professeur, il faudrait donc pouvoir trouver un juste milieu dans la représentation opératique, à savoir faire preuve d’une certaine tempérance tout en prenant en compte le fait qu’« il faut parfois savoir se lâcher ».

Un point de vue que partage Jean-Philippe Thiellay, président du Centre national de la musique : « Le public doit applaudir quand il le souhaite, un opéra ce n’est pas une messe ». Malgré le côté cérémonial et solennel de la représentation, l’opéra s’inscrit bel et bien dans le spectacle… vivant, ne manque-t-il pas de rappeler à juste titre !

« Je suis certain que les artistes lyriques aiment les applaudissements. Il n’y a aucune espèce de recommandation, si le public a envie, il doit le faire ». S’il ne convient pas d’applaudir à la fin de chaque aria, le public doit tout de même être en capacité s’exprimer. Si vous respectez ces consignes, il n’y a a priori, pas de moments précis pour lancer une horde d’applaudissements et partager votre enthousiasme avec la salle.

Il n’y a pas de règles pour s’habiller à l’opéra. Porter un trois pièces, comme certains pourraient l’imaginer, n’est pas de mise, même si une tenue correcte est exigée, comme l’indique sur son site internet L’Opéra de Paris. Pas d’inquiétude toutefois, venir en baskets par exemple, est évidemment autorisé. C’est un peu différent pour les soirées de gala : l’institution du Palais Garnier demande un costume sombre pour les messieurs, et une robe pour les dames.

 

Il n’est pas rare que le public d’opéras se mette à huer. On se rappelle, par exemple, l’interprétation de Norma par Maria Callas à l’opéra de Rome en 1958 qui avait été un véritable fiasco. Après une extinction de voix survenue à la suite du premier acte, la cantatrice avait dû quitter la scène sous les cris et les sifflements du public mécontent.

Pour Fabrice Raffin, cette notion d’insatisfaction renvoie en fait à l’aspect pécuniaire du spectacle. La personne qui hue ou quitte la salle peut, dans certains cas, estimer vouloir une prestation de qualité sous prétexte d’avoir payé, assure le spécialiste.

On hue davantage à l’opéra qu’au théâtre

La pluralité des publics de l’opéra y serait également pour quelque chose. Le socio-anthropologue rappelle que celui-ci se compose, entre autres, des classes moyennes pouvant aspirer à l’ascension sociale et pour qui l’opéra pourrait  être réservé aux classes aisées, tandis que dans les classes supérieures, la question de l’argent serait secondaire.

Quel est le lien ? Eh bien, celui qui hue ne serait pas capable de s’extraire de ses contingences matérielles, affirme Fabrice Raffin. Cela renverrait à ce conflit d’appartenance sociale entre les publics.

 

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Expression de la brutalité, on voit peu pourtant peu la huée lors de représentations théâtrales, soulève quant à lui Jean-Philippe Thiellay. Il rejoint d’ailleurs cette idée de logique consumériste qui consiste à prendre et à jeter ce qu’on ne veut pas, sous couvert de paiements.

Mais alors pourquoi ce phénomène existe-t-il à l’opéra ? Tout est question de performance selon l’essayiste : « La démonstration vocale, la mise en scène, ces éléments se rapprochent un peu du cirque et donc les dérives peuvent-être les mêmes et expliquer ces comportements ».

Il souligne également que le public d’opéra est un public assez original, parfois redresseur de torts et donneur de leçons. Un conseil donc, rappelez-vous que si la parole est d’argent, le silence lui est d’or : « Ceux qui veulent huer feraient mieux de se taire. Les applaudissements n’enlèvent rien au spectateur ».

Certains spectateurs partent à peine le rideau baissé, avant que les artistes viennent saluer

Ironie du sort, l’insatisfaction des spectateurs était un critère fortement pris en compte, au XIXe siècle à l’Opéra de Paris. A tel point que les contrats des artistes n’étaient signés par l’institution, à la seule condition que les 3 premières représentations aient satisfait le public. « C’est un peu comme les télécrochets musicaux d’aujourd’hui, comme The Voice » plaisante-t-il.

Vous l’aurez compris, huer à l’opéra est de ce fait proscrit et pour le président du Centre national de musique, il faut toujours savoir faire preuve d’un certain respect pour le travail des artistes « quitte à partir si on n’aime pas ce que l’on voit ou ce que l’on entend ». Ce qui nous amène à la dernière question…

Partir avant la fin, est-ce envisageable ? Encore une fois, tout est une question de respect, assure Jean-Pierre Thiellay : « Si vous avez envie de partir, vous pouvez le faire, à condition d’attendre l’entracte ». Pourtant, certains spectateurs se précipitent vers la sortie à peine le rideau baissé ou la dernière note jouée.

« Partir avant que l’artiste vienne remercier le spectateur d’être venu est banni, d’autant qu’aujourd’hui, les spectacles se terminent tôt », plus d’excuses donc. Si vous souhaitez partir, vous êtes libre de quitter votre siège, mais plutôt à l’entracte, afin de ne pas gêner les artistes ou les spectateurs.

Ondine Guillaume

 

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