Georg Friedrich Haendel, le voyageur : Découvrez sa vie à travers ses plus grandes oeuvres

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Georg Friedrich Haendel est peut-être le plus européen des compositeurs classiques. On pourrait parler de Haendel l’allemand, puis d’Haendel l’italien et enfin d’Haendel l’anglais. Radio Classique vous propose de découvrir sa vie à travers ses plus grandes œuvres !

 

Le premier chef-d’œuvre de Haendel : Dixit Dominus 

Commençons cette histoire par un duel entre deux amis. Haendel et Matheson. Voilà deux jeunes musiciens qui ont sympathisé à Hambourg. Haendel est né à Halle d’une famille luthérienne et bourgeoise. Son père est chirurgien-barbier, mais Georg Friedrich a été formé à l’orgue, au violon, au clavecin et s’est installé à Hambourg en 1703. Il a alors 18 ans. Matheson, lui, est chanteur et compositeur. Ils ont sympathisé, Matheson trouve du travail à Haendel à l’opéra, comme violoniste puis claveciniste. Les deux compères ont la même vénération pour Dieterich Buxtehude et sont allés voir le compositeur à Lübeck ensemble, comme le fera deux an plus tard Jean-Sébastien Bach.

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Mais un soir, à l’opéra, Haendel refuse de laisser sa place au clavecin à Matheson, la querelle s’envenime et se réglera par un duel dont Haendel réchappe de justesse. Le jeune compositeur va se venger en composant son premier opéra, Almira. La première, le 8 janvier 1705, est un triomphe. Si Almira est un succès, le deuxième opéra de Haendel est un échec. Il part pour l’Italie et arrive à Rome en 1707. Il y fréquente des gens d’Eglise et de nombreux artistes et musiciens, parmi lesquels Corelli, Caldara, ou encore Alessandro et Domenico Scarlatti père et fils. Il participe même à une joute musicale contre Domenico Scarlatti, qui a le même âge que lui. Scarlatti reconnaît la supériorité d’Haendel à l’orgue. Ils deviendront amis. Le séjour dans la Cité éternelle inspire Haendel, il y compose son premier chef-d’œuvre le psaume : Dixit Dominus.

Après Rome, Haendel arrive à Naples en mai 1708. L’aristocratie locale le reçoit volontiers. Il a 23 ans, un bel âge pour flirter avec une certaine « Donna Laura ». L’amour le rend heureux et lui inspire Acis et Galatée. Haendel est certes amoureux, mais quand il fait la connaissance du cardinal Grimani – qui lui promet de créer son opéra Agrippina dans son théâtre à Venise – le jeune compositeur plein d’ambition quitte Naples, la vue sur le Vésuve et la jolie Donna Laura pour la cité des Doges. L’année suivante, en décembre 1709, Agrippina est joué. C’est un succès avec ses 27 représentations. Haendel peut être satisfait. Fort de ses succès italiens, il rentre en Allemagne où il est nommé maître de chapelle à Hanovre. Il est certes bien payé, mais il a la bougeotte et obtient un congé d’un an qu’il va mettre à profit pour aller à Londres. Haendel pense-t-il pouvoir y devenir le musicien de référence depuis la mort de Purcell ? À peine arrivé, le jeune homme pressé se met au travail et quelques semaines plus tard termine un opéra : Rinaldo, le tout premier opéra italien créé pour la scène anglaise. La première a lieu le 24 février 1711. En présence de la reine, c’est encore un succès.

 

Zadok The Priest : de la cour à… l’hymne de l’UEFA

Haendel rentre à Hanovre, mais il s’y ennuie et obtient de retourner en Angleterre. Lorsqu’il débarque pour son second séjour, Haendel a, à son actif, une solide réputation d’auteur d’opéra. Il connaît l’Italie et la musique religieuse, il sait perdre un duel, il sait séduire une femme et surtout, il sait jouer de ses relations, voilà pourquoi il pense se faire une place en Angleterre, désormais orpheline du grand Purcell. Haendel a conquis la reine et le public avec ses opéras à l’italienne, mais en juillet 1717, il séduit le roi George 1er avec une composition qu’il interprète en compagnie de 50 musiciens sur l’eau de la Tamise. Le spectacle est grandiose, le roi adore. Cette fois Haendel va s’imposer comme le musicien du royaume. Haendel est désormais pensionné par la reine et le roi a doublé ses revenus. Mieux, Haendel va participer à la création de la Royal Academy of Music en tant que directeur musical. L’Angleterre veut des opéras, Haendel va les lui donner au Kings Theatre et en recrutant des artistes dans l’Europe entière. Tout n’est pas gagné pour Haendel, il y a de la concurrence, des conflits dans cette académie où il bataille plusieurs années avant de s’imposer vraiment. On raconte qu’il manque de passer par la fenêtre la chanteuse Francesca Cuzzoni. La période est riche entre février 1724 et février 1725. Il compose Giulio Cesare, Tamerlano et Rodelinda. Il a alors 40 ans.

Haendel était âgé de 20 ans lors de sa querelle avec Matheson. Cette fois, c’est une querelle entre deux cantatrices qui en viennent aux mains devant la princesse de Galles qui provoque tout bonnement la fermeture de l’académie où le musicien avait pourtant fait sa place. En février 1727, il obtient du roi la nationalité anglaise. Le souverain meurt la même année. Haendel compose la musique du couronnement suivant : l’hymne Zadok The Priest. Une œuvre magistrale qui servira pour les couronnements à suivre, jusqu’à devenir l’hymne de la coupe de l’UEFA. Haendel a maintenant 45 ans. Il a connu plusieurs rois, les honneurs, ses opéras sont des réussites. Pour autant il ne néglige pas d’autres genres musicaux. En 1733 il publie ses Suites de pièces pour le clavecin. En 1736, Haendel au fait de sa gloire a 51 ans. Il compose Atalanta dont la création a lieu le 12 mai au Théâtre de Covent Garden pour le mariage du prince de Galles, suivi d’un superbe feu d’artifice. L’année suivante, après une attaque sévère qui lui paralyse une partie du visage et dont il guérira après un bref séjour en Allemagne, il compose un hymne pour enterrer la reine Caroline. En fait, Haendel est devenu un compositeur officiel, il est là à toutes les étapes de la vie des souverains. C’est ce qui va l’orienter peu à peu vers l’oratorio et la musique sacrée.

Le Messie : l’apothéose de l’oratorio

Haendel délaisse peu à peu l’opéra. Sur un livret de son ami Charles Jennens, il va composer le chef-d’œuvre de l’oratorio : Le Messie qui raconte la résurrection du Christ. L’œuvre est tellement brillante, grandiose, prenante, puissante, que les dévots de la cour s’en mêlent. Prendre du plaisir à écouter une œuvre, est-ce suspect ? Le roi est séduit et se lève même à la fin de la représentation. Il n’empêche que les dévots vont chercher des poux dans la perruque de Haendel encore de longues années et Le Messie ne connaitra un réel succès public que quelques années plus tard. Lorsqu’il se stabilise à Londres, Haendel a 57 ans. Après un ultime voyage qui le conduit à se produire en Irlande, il compose toujours pour leurs altesses royales. La Musique pour les feux d’artifice royaux composée en 1749 est l’une de ses œuvres les plus fameuses. Et elle doit beaucoup au baroque français de Lully et de Lalande.

Stefan Zweig vous dira mieux que moi l’un des derniers moments de bonheur de Haendel avant sa mort. Le texte qui suit est tiré d’un recueil de texte de Zweig intitulé Les Heures étoilées de l’humanité. « Comme tous les vrais et consciencieux artistes, Haendel ne tirait pas vanité de ses œuvres. Mais il en était une qu’il aimait : Le Messie, parce qu’elle l’avait tiré de son abîme, parce qu’il avait trouvé en elle la délivrance, et tous les ans, il la faisait jouer à Londres, abandonnant régulièrement les cinq cents livres de bénéfice de la représentation au profit de l’hôpital. C’est avec cette œuvre qu’il voulut prendre congé du monde. Le 6 avril 1759, déjà gravement malade, le sexagénaire se fit conduire une dernière fois à la salle du concert ; le colosse aveugle était là au milieu de ses fidèles, parmi les chanteurs et les musiciens, sans que ses yeux éteints pussent les voir. Mais quand il entendit les vagues sonores déferler dans un élan tumultueux, quand lui parvint ce cri de joie de la certitude poussé par cent poitrines dans un bruit de tonnerre, son visage fatigué s’éclaira et devint radieux. Il agita ses bras en mesure, il chanta avec gravité et ferveur, faisant penser à un prêtre devant son propre cercueil, et pria pour sa délivrance et pour celle de tous. « La trompette retentira » … Les cuivres éclatèrent, il tressaillit et tourna ses yeux sans regard vers le ciel comme s’il était déjà prêt pour le Jugement dernier : il savait qu’il avait bien accompli sa tâche. Il pouvait se présenter la tête haute devant Dieu ».

David Abiker et Camille Tavers

 

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