Ballet de l’Opéra de Paris : histoire du répertoire, de Giselle à Crystal Pyte

Le Ballet de l’Opéra de Paris fait rêver les spectateurs depuis trois siècles. Des ballets romantiques jusqu’à la danse contemporaine, il a su adapter son répertoire à la pluralité des chorégraphes, miroirs de l’évolution de la société. Un véritable défi pour la compagnie, qui a parfois dû lutter pour retrouver sa place au sommet des grandes maisons.

L’Opéra de Paris est une des plus anciennes compagnies de danse au monde

L’histoire de l’Opéra de Paris commence avec l’Académie royale de danse, créée par Louis XIV en 1661, et qui intègre des femmes dès 1681. Les danseurs interviennent alors dans les intermèdes des opéras, grand spectacle baroque à la française. La danse s’émancipe à la fin du XVIIIème siècle, grâce au ballet d’action de Noverre et des frères Gardel. Paris s’enthousiasme pour la danse – et les danseuses. Les rôles masculins s’étiolent tandis que la première ballerine est portée au firmament. Idéalisée, elle semble presque irréelle dans les fameux « ballets blancs » de la période romantique. Paris applaudit alors la création de La Sylphide et de Giselle. Mais le XIXème siècle voit également Saint-Pétersbourg concurrencer Paris en embauchant les chorégraphes Saint-Léon puis Petipa. Les danseuses les suivent, et le niveau de l’Opéra de Paris baisse, malgré l’insertion de recrues italiennes. Lorsque les Ballets russes de Diaghilev débarquent dans la capitale au début du XXème, les Français sont éblouis par la virtuosité de la troupe, qui apporte en outre dans ses bagages les couleurs flamboyantes de Bakst et le génie musical de Stravinsky. Juste retour des choses, deux russes vont redonner son éclat au Ballet de l’Opéra de Paris au XXème siècle : Serge Lifar et Rudolf Noureev.

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Serge Lifar redonne le goût de l’excellence au Ballet de l’Opéra de Paris

Serge Lifar arrive dans la Grande Boutique en 1930. Il chasse le public du foyer de la danse pour faciliter la concentration des artistes avant le spectacle, et fait éteindre le grand lustre pendant les représentations. Le ton est donné : l’art redevient premier dans les murs de l’Opéra. En 1945, Lifar reprend l’idée de Léo Staats, qui avait présenté en 1926 un défilé de la compagnie. Il choisit comme musique la Marche des Troyens de Berlioz, toujours utilisée aujourd’hui pour le désormais traditionnel défilé du début de saison. Il exige de la compagnie un haut niveau technique et artistique, et crée une classe d’adage. Chorégraphe, il ajoute deux positions des pieds aux cinq pratiqués jusqu’alors. Si son propre style reste globalement néoclassique, sa personnalité inspirera l’étoile Yvette Chauviré et le chorégraphe Roland Petit. Ses années à l’Opéra seront aussi marquées par la collaboration de Balanchine, que poursuivra Rolf Liebermann.

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Rudolf Noureev dote l’Opéra de Paris des grands classiques de son répertoire

Noureev, danseur star de l’URSS, passe à l’Ouest en 1961. Il devient directeur de la danse à l’Opéra de Paris en 1983. Il remonte des ballets dansés en Russie et qui deviendront des piliers du répertoire classique de l’Opéra de Paris : Le Lac des cygnes, La Belle au bois dormant, Don Quichotte, Paquita, Raymonda, mais surtout La Bayadère et Casse-Noisette. Il en profite pour enrichir considérablement les personnages masculins, notamment des seconds rôles. Il réduit la pantomime de ces ballets hérités du XIXème siècle, et lui substitue des passages à la fois virtuoses et d’une grande profondeur artistique. Mais le ballet classique n’est pas le seul style des années Noureev. Maurice Béjart tient aussi sa part, et William Forsythe crée en 1987 In The Middle Somewhat Elevated.

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La danse contemporaine s’inscrit au répertoire de la compagnie, devenue l’une des plus prestigieuses au monde

Rolf Liebermann, directeur de l’institution de 1973 à 1980, avait fait venir Carolyn Carlson. Il avait même mis sur pied pour elle le Groupe de Recherche Théâtrale de l’Opéra de Paris (CRTOP). La politique de danse contemporaine se poursuit après Noureev, sous les directions de Patrick Dupont et Brigitte Lefebvre. Merce Cunningham, qui avait créé Un jour sur deux à Garnier en 1973, revient en 1990 avec Points in Space, et c’est pour l’Opéra de Paris qu’Angelin Prejlocaj imagine Le Parc en 1994. William Forsythe, Jerome Robbins et Mats Ek font aussi leur entrée au répertoire. Mais l’un des chorégraphes à avoir le plus marqué la compagnie à l’orée du XXIe siècle est sans conteste Pina Bausch. En 1997, elle remonte à Paris son Sacre du printemps. Alors qu’à l’époque les solistes sont souvent choisis par le directeur de la danse, elle auditionne tous les danseurs de la compagnie. Elle choisit Eleonora Abbagnato, 18 ans, tout juste entrée dans le corps de ballet, pour un rôle symbolisant la féminité et la protection du groupe – elle lui confiera le rôle d’Eurydice lors de la reprise d’Orphée et Eurydice en 2005. A Aurélie Dupont, qui doit danser l’Elue et entretient une image de danseuse forte, elle révèle « Je t’ai choisi pour tes faiblesses » … et libère ainsi le potentiel artistique de la jeune femme. « Pina Bausch a forgé un véritable esprit de groupe dans la Maison, confie Eleonora Abbagnato en 2021 au moment de ses adieux d’étoile. Cela a marqué une étape très importante dans l’histoire de la Compagnie. » Si le répertoire contemporain est si important sur scène aujourd’hui, c’est qu’il parle de notre société actuelle, de ses doutes, de ses tendances et aussi de son rapport au corps.

L’Opéra de Paris est entré dans le XXIème siècle avec un répertoire varié, riche d’une longue tradition. Les directeurs successifs ont su depuis préserver cet héritage, tout en ouvrant les portes de l’opéra aux chorégraphes d’aujourd’hui (Crystal Pyte, Hofesh Shechter…). Un savant mélange, renouvelé à chaque saison.

 

Sixtine de Gournay

 

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