L’ONU craint « un ouragan de famines » : faut-il augmenter la production agricole européenne ?

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La guerre en Ukraine remet la stratégie agricole européenne au cœur des débats. La Russie et l’Ukraine étant deux producteurs de céréales importants, l’ONU alerte déjà sur un risque « d’ouragans de famines » dans le monde. Face à cela, le monde agricole européen plaide notamment pour une hausse immédiate de la production quitte à revoir l’objectif de verdissement des cultures.

Un problème d’approvisionnement global menace la stabilité internationale

L’Ukraine et la Russie pèsent pour 30% du commerce du blé dans le monde cela signifie une déstabilisation majeure pour certains pays. Pour les Européens la sécurité alimentaire est malgré tout préservée, reconnaît Henri Biès-Péré, éleveur et vice-président de la FNSEA : « la France a un avantage, elle est restée un grand pays producteur et exportateur. À ce jour, il n’y a donc pas de pénurie sur le territoire français et plus globalement sur le sol européen ». En revanche, la situation s’annonce critique dans de nombreux pays. En Egypte, au Liban ou en Ethiopie par exemple, les prix bondissent car ces pays sont très dépendants des importations de blé. Selon la FNSEA, pour répondre à la demande mondiale, l’Europe n’a donc pas d’autres choix que de produire plus, notamment en remettant en culture des terres en jachère : « les terres disponibles étaient initialement délaissées. En effet la politique européenne demandée aux agriculteurs de dédier une partie de leur sol à l’environnement. Il est important désormais de remettre ces terrains en culture. Il y aura en 2023 un problème d’approvisionnement global du monde pour nourrir les humains et les animaux. Il faut donc urgemment, au moins temporairement, utiliser tous les sols disponibles pour faire de la culture ».

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4% des terres agricoles disponibles pour répondre à l’urgence

La Politique Agricole Commune européenne prévoyait à partir de janvier prochain de laisser 4% des terres agricoles en jachère pour la biodiversité. Il serait dorénavant nécessaire de revenir sur cette mesure. Cet avis est partagé par le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, qui incite à libérer le potentiel de production afin d’assurer notre mission nourricière en produisant des protéines sur les jachères. La FNSEA appelle également à revoir la politique européenne de la ferme à la fourchette qui prévoit de réduire de 50% l’usage des pesticides en 2030 : « aujourd’hui les mesures européennes pour la biodiversité ne sont plus à l’ordre du jour, sous peine de voir comme en 2012 des émeutes de la faim. Il faut d’abord répondre à l’urgence pour ensuite réfléchir tranquillement à une politique sur le long terme ». Une volonté pour libérer la production qui pourtant ne sera pas si facile à mettre en place à court terme, selon Sébastien Abis directeur du club Demeter et chercheur à l’IRIS : « il ne suffit pas de décréter la libération de la production pour que cela se réalise. Il faut donner les moyens aux producteurs de le faire. Les producteurs sont aujourd’hui embarrassés par la cohérence des injonctions publiques et le coût de production. La flambée des prix de l’énergie et des engrais complexifie la possibilité de produire beaucoup et à court terme ».

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Et puis ces demandes du monde agricole, partagées par plusieurs pays européens, ne font pas l’unanimité, loin de là. Le député européen écologiste Benoit Biteau reconnaît la gravité de la situation mais propose d’autres solutions : « il faut étudier la possibilité de mettre les 4% de jachères en prairie afin de nourrir les herbivores sur ces terrains. Cela nous permettra de transférer les céréales, initialement utilisées pour nourrir le bétail, directement dans l’assiette du citoyen ». Selon Benoit Biteau, il parait indécent de profiter de cette guerre pour remettre en cause les stratégies européennes de long terme. Un débat qui fait également rage à Bruxelles, le vice-président de la commission estime que la solution ne viendra pas d’une production alimentaire moins durable. Ce sujet essentiel sera au cœur du Conseil européen de l’agriculture qui a lieu lundi 21 mars.

Baptiste Gaborit 

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