Quel mix énergétique dans une France neutre en carbone en 2050 ? Faut-il relancer le nucléaire ou au contraire tout miser sur les renouvelables ? Le gestionnaire du réseau d’électricité en France, RTE, a publié hier son rapport, très attendu, sur le futur énergétique du pays. Emmanuel Macron devra prendre position dans les prochaines semaines.
Il y aura forcément une augmentation de la consommation d’électricité, quel que soit le scénario
Ce rapport part d’un postulat : la consommation d’énergie en France va baisser dans les 30 prochaines années, mais celle d’électricité va fortement augmenter (+35%). Les voitures thermiques vont être remplacées par des voitures électriques, le chauffage au fioul par des pompes à chaleur. Thomas Veyrenc, directeur exécutif en charge de la stratégie et de la prospective de RTE. L’enjeu de la neutralité carbone est de sortir des énergies fossiles, explique-t-il, « sortir du pétrole pour les transports », « sortir du gaz pour se chauffer ». Il faut dire qu’elles représentent 60% de nos consommations d’énergie, « qui vont se reporter en partie notamment sur l’électricité parce qu’elle est décarbonée ».
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Il y aura donc forcément une augmentation de la consommation d’électricité, quel que soit le scénario. A partir de là, RTE dresse 6 scénarios possibles : 3 sans construction de nouveau nucléaire, donc avec à terme du 100% renouvelable, les 3 autres nécessitent de relancer le nucléaire. Mais quel que soit le scénario retenu, il faudra déployer massivement des énergies renouvelables. Même dans le scénario le plus nucléarisé, qui nécessite de construire 14 nouveaux EPR et plusieurs mini réacteurs, la part du nucléaire serait limitée à 50%. « Dans les scénarios 100% renouvelables », avertit Thomas Veyrenc, « il faudra adopter des rythmes qui sont sans commune mesure avec ce que la France a fait au cours des dernières années, et qui sont plus élevés que nos voisins européens qui en utilisent le plus ». Il souligne également qu’il faudra beaucoup de renouvelables dans les scénarios avec du nouveau nucléaire, car « notre parc nucléaire actuel va fermer au cours des 30 à 40 prochaines années », précisant que « ce n’est pas une décision politique, c’est un état de fait industriel ».
Emmanuel Macron est plutôt favorable au nucléaire
RTE s’est penché également le coût de chaque scénario, les plus nucléarisés étant les moins chers (de 10 à 15 millions d’euros de moins par an). Mais le coût n’est pas la seule variable, le défi technologique de ces scénarios est aussi important. Nicolas Goldberg, spécialiste énergie du cabinet Colombus consulting pointe que dans les scénarios 100% renouvelables, « c’est tout un monde-hydrogène à inventer, un pari technologique ». Idem dans un scénario très nucléaire, ajoute-t-il : « il faudrait plus de mini réacteurs nucléaires -qu’on ne connaît pas aujourd’hui-, et prolonger les réacteurs nucléaires au-delà de 60 ans, alors qu’on ne sait pas si on peut le faire ». Un débat qui ne doit pas seulement se concentrer sur l’offre mais aussi sur la demande.
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Pour atteindre la neutralité carbone, et là encore quel que soit le scénario, il faudra aussi miser sur la sobriété. Moins consommer, c’est aussi un enseignement du rapport, et c’est ce que demande Yves Marignac de l’association Negawatt : « à force d’attendre, on a devant nous un mur technique et financier de rééquipement de notre parc de production électrique ». Pour le franchir, il plaide pour davantage de sobriété. Ce rapport est désormais entre les mains des décideurs. Le président Emmanuel Macron, que l’on sait plutôt favorable au nucléaire, doit prendre position dans les prochaines semaines.
Baptiste Gaborit