Tous les habitués du Palais Garnier ont pu admirer le plafond peint par Marc Chagall pour l’Opéra de Paris en 1964. On connaît moins le rideau de scène qu’il a créé pour le Met Opera à l’occasion de la 1ère représentation de La Flûte enchantée au Lincoln Center en 1967 et qui a été vendu aux enchères à New York à un prix record.
Le rideau peint par Marc Chagall a été vendu pour 990 313 dollars
« Il n’y a rien sur Terre qui s’approche de ces deux perfections que sont La Flûte enchantée et la Bible » a dit un jour Marc Chagall. Il était donc logique que le peintre d’origine russe (naturalisé Français en 1937) accepte, en 1964, la proposition que lui fit Sir Rudolf Bing, le directeur du Met Opera de l’époque, de réaliser tout l’habillage scénique pour la représentation de l’opéra de Wolfgang Amadeus Mozart proposé en vedette lors de la 1ère saison du Met dans sa nouvelle salle du Lincoln Center en 1967.
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Marc Chagall, alors âgé de 77 ans, mit trois ans à créer et réaliser, en collaboration avec le scénographe Volodia Odinokov, 120 costumes, 26 accessoires et 13 décors dont le magnifique rideau de 20 mètres de haut pour 13 mètres de large. C’est d’ailleurs la taille monumentale de cette œuvre qui conduit la Fondation Gerard L. Cafesjian (qui l’avait acquise en 2007) à la vendre car elle est trop grande pour être exposée dans le musée où elle souhaitait l’installer à Erevan, en Arménie. La maison de vente Bonhams qui la mise aux enchères à New York avait estimé son prix dans une fourchette comprise entre 250 000 et 450 000 dollars (211 000 à 380 000 euros). mais la pièce a largement dépassé ces estimations et a été acquise pour la somme record de 990 313 dollars, soit près de 837 000 euros.
Les fresques de Marc Chagall installées dans le hall du Lincoln Center ont servi de garantie bancaire
À l’époque, le rideau imaginé par Marc Chagall créa l’événement à New York, même si certains puristes exprimèrent leur scepticisme. Le New York Times raconte ainsi que le critique musical du Times avait écrit que « le public de la soirée d’ouverture n’écoutait pas les airs, plus occupé à essayer de compter le nombre de personnages peints par l’artiste ! ». La Flûte enchantée version Chagall a néanmoins été présentée sur la scène du Met pendant près de 25 ans et la collaboration entre l’institution new-yorkaise et le peintre ne s’arrêta pas là puisqu’il réalisa en 1966 les deux fresques, Le Triomphe de la Musique et Les Sources de la Musique, installées dans le hall du Lincoln Center, qui ont même servi de garantie pour un prêt bancaire après la crise financière de 2008.
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Fasciné par le monde de la scène, Marc Chagall commença dès les années 40 à créer des décors et des costumes mais, essentiellement, pour des ballets (L’Oiseau de Feu et Daphnis et Chloé notamment). En 1960 il refusa même une première proposition du Met pour réaliser les décors du Nabucco de Giuseppe Verdi qui ne le tentait guère, contrairement au chef-d’œuvre de Mozart. On retrouve d’ailleurs un hommage au musicien autrichien, ainsi qu’à 13 autres grands compositeurs qu’il admirait, sur le superbe plafond de la salle de l’Opéra Garnier qu’il peignit, à la demande d’André Malraux, en 1964, juste avant d’entreprendre son travail pour le Met Opera.
Philippe Gault