À la tête de l’orchestre de l’Opéra de Tours Glass Marcano, jeune cheffe d’orchestre vénézuélienne de 24 ans, issue du programme d’enseignement El Sistema de Caracas, a intégré le Conservatoire à Rayonnement Régional (CRR) de Paris. Retour sur une ascension fulgurante.
Glass Marcano estime « vivre un rêve éveillé, comme dans un film »
Des marchés du Venezuela à l’Opéra de Tours : portée par son énergie débordante, la jeune cheffe d’orchestre de 24 ans connaît un début de carrière tout à fait étonnant et fait preuve d’une assurance et d’une décontraction étonnante pour son âge. Lors des répétitions à Tours, cheveux tirés en arrière, lunettes sur le nez, baskets blanches et tenue de jogging, Glass Marcano, assise sur un tabouret haut, n’hésite pas à en descendre régulièrement pour préciser ses consignes, partitions en main.
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La jeune femme manie d’un geste ample la baguette, sans jamais se départir de son large sourire. « Joue ce passage comme les vagues sur la mer ! », lance-t-elle à un musicien dans un mélange de français et d’anglais. A l’issue des répétitions, la Vénézuélienne lève les yeux vers les dorures et les velours rouges du théâtre à l’italienne de Tours. « Je vis un rêve éveillé comme dans un film », savoure-t-elle. « Mais, dans ce théâtre, je réalise que c’est bien la réalité ! ».
Glass Marcano n’avait jamais pris l’avion avant de venir à Paris en septembre
Ayant entendu parler de la première édition de La Maestra, elle a tout fait pour participer en septembre à ce concours international de cheffes d’orchestre organisé par la Philharmonie de Paris et le Paris Mozart Orchestra. « Je voulais faire ce concours à tout prix », raconte-t-elle. « Pour payer les 150 euros de frais d’inscription, j’ai vendu des fruits sur les marchés, chez moi, dans l’État d’Yaracuy. Ce concours a fait basculer ma vie en quelques jours ». Certes, la jeune femme n’a pas gagné le 1er prix mais elle a impressionné Claire Gibault, la cheffe du Paris Mozart Orchestra. « Je l’ai découverte sur des vidéos. J’ai tout de suite été fascinée par son énergie et son charisme », affirme l’organisatrice du concours.
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La cheffe entreprend alors de faire venir à Paris sa jeune consœur en septembre dernier, alors que l’espace aérien du Venezuela est fermé en raison de la crise sanitaire. L’ambassade de France à Caracas se démène, lui offre le visa et lui trouve un vol humanitaire espagnol, direction Madrid et l’Europe. « C’était la première fois qu’elle prenait l’avion et qu’elle sortait de son pays », se rappelle Claire Gibault. « C’est un beau conte de fée moderne ».
Glass Marcano a suivi le programme El Sistema, comme ses compatriotes Gustavo Dudamel et Rafael Payare
« Elle marque une étape dans l’histoire de la musique occidentale », estime Laurent Campellone, le directeur de l’Opéra de Tours qui a décidé de lui donner sa chance. « Le fait qu’elle soit la première femme noire à diriger un orchestre n’est qu’anecdotique face au fait qu’elle est une immense musicienne. Nous avons trois ou quatre grands chefs de ce niveau par génération. Elle en fait partie ! ». Et les membres de l’Orchestre symphonique du Centre-Val de Loire ont pu constater son charisme dès les 1ères répétitions. « La barrière de la langue l’empêche de rentrer dans des détails techniques pour l’instant. Mais ça ne pose aucun problème. Elle est très inspirée, habitée. Elle respire la musique », a déclaré Audrey Rousseau, l’un des 2 violons de l’opéra de Tours où Glass Marcano a dirigé, pour une captation, le Concerto pour violon en ré majeur, op. 61 de Ludwig van Beethoven et la Symphonie en ut majeur de Georges Bizet.
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Reste maintenant à façonner ce talent brut. Glass Marcano a commencé le violon à 8 ans. Comme Gustavo Dudamel (Philharmonique de Los Angeles) et Rafael Payare (Symphonique de Montréal), ses compatriotes, Glass Marcano est issue du fameux programme d’enseignement El Sistema de Caracas. Elle s’oriente ensuite vers des études de droit, tout en dirigeant des orchestres d’enfants. Désormais, l’avenir de la jeune femme se joue en France. Elle vient d’intégrer le conservatoire régional de Paris dans la classe de perfectionnement. « Je rêve de diriger à Vienne, à Londres, à la Scala de Milan« , s’enthousiasme-t-elle. « Mais pour ça je sais qu’il faut continuer de travailler, travailler toujours et encore ».
Philippe Gault (avec AFP)