Une grande salle de concert de Turin va mettre son public à l’épreuve: pour la première fois le 7 novembre, puis tous les deux mois, les spectateurs devront se passer de leur téléphone portable pendant la durée des représentations. Une règle réclamée par certains spectateurs et qu’imposent déjà des célébrités du spectacle. À l’inverse, certaines institutions recommandent l’usage du smartphone dans le cadre d’une démarche interactive.
Des spectacles sans portables
L’expérience aura lieu le 7 novembre à la célèbre « Hiroshima Mon Amour », salle de concerts et d’expositions de la capitale piémontaise où les spectateurs seront invités à laisser leur smartphone à l’entrée le temps d’une soirée. Dans un message sur Facebook son directeur Fabrizio Gargarone a justifié cette décision : « C’est très simple. Si tu entres dans la salle, tu ne peux pas avoir ton portable, tu ne peux pas faire de photos, tu ne peux pas échanger avec, tu ne peux rien faire avec ton téléphone sinon tu ne seras pas imprégné du spectacle. Tu ne pourras partager ce que tu verras qu’en le vivant et en le racontant ». Le directeur (également responsable artistique du Festival des fleurs de Colègne) précise qu’il renouvellera l’expérience environ tous les deux mois et qu’il est en train de demander à une série d’artistes de se prêter au jeu pour proposer au public « quelque chose de plus vrai, de plus direct et, en fin de compte, de plus intime ». Le quotidien La Repubblica précise que si l’expérience s’avère concluante, elle pourrait s’étendre à d’autres salles italiennes et que l’on pourrait alors voir se généraliser à l’entrée le dispositif du Yondr (une pochette à verrouillage magnétique dans laquelle on glisse son smartphone lors d’un concert).
Plusieurs artistes internationaux ont déjà instauré le « No phone » (pas de portable) à leurs concerts, parmi lesquels Madonna , Bob Dylan, Adele, Jack White (à l’Olympia) ou Kendrick Lamar, entre autres. En France, l’humoriste Florence Foresti a été la 1ère, en novembre dernier, à imposer à ses fans l’utilisation de la housse de déconnexion Yondr pour accéder à ses spectacles.
A lire aussi
Interdiction de l’usage du smartphone pendant un concert : le public prêt à jouer le jeu
En décembre dernier, une plateforme britannique de vente de tickets d’événements, avait mené une étude pour connaître ce que le public de plus de 18 ans pense de l’usage des téléphones lors des concerts. Il en ressortait que 69% des sondés cautionneraient la mise en place de mesures visant à limiter l’usage des téléphones mobile durant les concerts et soirées. 70% trouvent désagréable quand quelqu’un se met à prendre des photos ou vidéos lors d’un concert et 81% comprennent de surcroît qu’un artiste puisse ne pas vouloir que des photos ou vidéos de sa performance soient prises. Toutefois, parmi les personnes interrogées, 49% avouaient avoir capturé des instants d’un concert ou d’un spectacle.
A lire aussi
À Lille et Nantes le portable est recommandé
Ce soir à la #FolleJournee, les spectateurs priés de NE PAS éteindre leur portable pour interagir avec l'orchestre! pic.twitter.com/6nUQLCdRv9
— 20 Minutes Nantes (@20minutesnantes) February 4, 2017
Une démarche qui va à contrario de certaines expériences tentées par de grandes institutions qui souhaitent permettre aux spectateurs d’interagir avec les artistes grâce à leur smartphone. Ainsi, en 2017 à Nantes, lors de la 23è édition de la Folle journée, c’est le chef de l’orchestre philharmonique de l’Oural qui a demandé aux spectateurs, à un moment précis du morceau joué (Passacaglia Secret du vent et des oiseaux du compositeur chinois Tan Du) d’allumer leur téléphone portable sur lequel ils avaient téléchargé préalablement un fichier MP3 qui reproduisait divers sons aigus, rappelant pour certains le chant des oiseaux. Quelques minutes après, ce sont les musiciens eux-mêmes qui ont sorti leur smartphone, appelant le public à les imiter. L’idée était, selon Dimitri Liss : « de s’inspirer des sons de la nature, que s’attachent à reproduire des téléphones portables imitant le son d’instruments traditionnels chinois ». Plus récemment à Lille, Alexandre Bloch, chef et directeur musical de l’Orchestre National de la ville, s’est associé avec une start-up locale qui a développé une application pour smartphone et tablettes qui permet au public lors de certains concerts de tester ses connaissances sur l’œuvre jouée et, même, d’envoyer des instructions de tempo et de nuance qui sont retransmises sur un écran géant. Alexandre Bloch précise toutefois : « dans la dernière partie du concert nous faisons éteindre les portables pour montrer à ces personnes très connectées, pour qui tout va très vite, qu’il est aussi important de se déconnecter et d’être dans le réel de la musique, de ressentir le son dans son corps entier ».
Philippe Gault