Accusé d’avoir chorégraphié un Othello chargé de « stéréotypes racistes », John Neumeier a vu sa collaboration avec le ballet royal danois de Copenhague s’interrompre pour une durée indéfinie.
La représentation d’une danse africaine de chasse est au cœur de la polémique
Mercredi dernier, le chorégraphe américain John Neumeier est tombé des nues en recevant un mail du ballet royal danois, avec lequel il travaille depuis une soixantaine d’années. La compagnie de danse ne viendra pas célébrer son 50ème anniversaire à la tête du ballet de Hambourg et elle refuse de jouer sa mise en scène de la Troisième Symphonie de Mahler, prévue à l’automne 2023 à Copenhague. Le conflit, qui couvait entre le chorégraphe de 83 ans et la compagnie depuis début 2022, a éclaté au grand jour la semaine dernière.
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Tout part de critiques des danseurs de la compagnie à l’encontre de son Othello, pièce shakespearienne déjà donnée en 1985 et accusée de contenir des « stéréotypes racistes ». Le ballet royal danois devait l’interpréter en novembre mais son directeur Nikolaj Hübbe, influencé par ses danseurs, a décidé au printemps dernier de la remplacer par le Le Songe d’une nuit d’été. La scène controversée d’Othello dure moins de deux minutes. Elle plonge le spectateur dans le rêve du soldat maure, où celui-ci voit sa femme Desdémone. Sur scène, un des danseurs blancs est peint en bleu foncé et exécute une danse de chasse africaine. Celle-ci est codifiée et documentée, a défendu le chorégraphe auprès de la radio allemande NDR, mais elle mettait plusieurs danseurs mal à l’aise en répétition. « Si j’avais eu des intentions racistes, je n’aurais pas chorégraphié la danse ainsi », poursuit Neumeier. « C’est difficile pour moi de comprendre ce que j’ai fait de mal ». Nikolaj Hübbe confiait à la télévision danoise ne pas trouver cette scène raciste mais il dit « respecter le fait que les jeunes générations le ressentent ainsi ».
Le ballet royal danois parle d’une « pause » dans la collaboration avec Neumeier
Lors d’une répétition du Songe d’une nuit d’été il y a plusieurs semaines, John Neumeier, remonté, a « voulu expliquer son point de vue scénaristique et chercher le dialogue » avec la compagnie. Hélas, il aurait reçu 10 jours plus tard le mail en question, interrompant pour une durée indéterminée sa collaboration avec le ballet royal danois. « C’est une forme de censure que je n’accepte pas », enrage-t-il auprès de NDR. L’affaire aurait perdu toute mesure, selon lui, quand le magazine allemand à scandales Bild a affirmé que les danseurs devaient pousser des cris de singes et se taper sur la tête : « Ca n’existe pas dans ma chorégraphie », écarte-t-il fermement. Dans un communiqué, le ballet royal danois a confirmé une « pause » dans la collaboration avec Neumeier à cause de « visions artistiques divergentes ». L’intéressé n’a aucune idée de comment va se dérouler la suite : « on ne m’a rien dit à ce sujet ». Il y a un an, le ténor allemand Jonas Kaufmann faisait aussi les frais des polémiques autour du Otello de Verdi.
Clément Kasser
