Dans un entretien publié vendredi par le quotidien anglais The Guardian, Jonas Kaufmann se dit inquiet par les proportions que prend la révision des œuvres classiques sous la pression des défenseurs de la diversité et de l’inclusion. Le ténor allemand évoque également le répertoire contemporain qu’il n’apprécie guère et aborde rarement, préférant se concentrer sur les grands compositeurs d’opéras classiques.
Jonas Kaufmann craint que la Cancel Culture conduise à la fermeture des salles de concert
Alors qu’il tient le rôle-titre d’Otello de Giuseppe Verdi jusqu’à mardi au Teatro di San Carlo de Naples, Jonas Kaufmann a accepté dans un entretien au quotidien anglais The Guardian d’aborder des sujets qui le touchent particulièrement. Au journaliste qui lui demande s’il a été étonné quand des spectateurs ont hué la première de l’opéra le 21 novembre, le ténor allemand répond qu’en fait « Les spectateurs ne me huaient pas. En réalité, ils se plaignaient parce qu’Otello n’était pas interprété par un chanteur noir. C’est le metteur en scène qui était critiqué parce qu’il avait choisi un chanteur blanc ».
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Jonas Kaufmann se dit conscient qu’il s’agit d’un d’un sujet politique « très controversé » mais rappelle que dans cette mise en scène « personne ne se moque. Personne n’est maquillé en noir comme il y a 50 ans » et d’ajouter « Et puis à la fin je tue ma femme Desdémone. Est-ce que c’est approprié au jeune public ? Faut-il mettre des avertissements partout ? Je pense que même les enfants comprennent que c’est un conte de fées et que des choses terribles peuvent arriver dans les contes de fées. Il est très difficile de déterminer où nous devons nous arrêter et ce que nous devons faire. Si tout cela va plus loin, nous devrons bientôt fermer les salles de concert ».
Jonas Kaufmann : « La musique moderne est bien trop complexe pour que la plupart des spectateurs rentrent chez eux avec le sourire »
Même s’il a accepté d’interpréter pour la 1ère fois le rôle de Peter Grimes, le héros de l’opéra éponyme de Benjamin Britten, en janvier au Staatsoper de Vienne et Tannhäuser de Richard Wagner plus tard en 2022, Jonas Kaufmann ne cache pas qu’il est guère attiré par le répertoire contemporain. Selon lui « la plupart de ces compositions sont jouées une seule fois puis oubliées. Il y a quelques exceptions, mais la musique moderne est bien trop complexe pour que la plupart des spectateurs rentrent chez eux avec le sourire ou même avec une mélodie ».
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Jonas Kaufmann estime également que le public continue d’être attiré par l’opéra classique et ses « bons vieux Verdi et Puccini » car, précise-t-il, « Ce qui est fascinant avec l’opéra, c’est qu’il est un peu démodé, un peu mystérieux, un peu différent ». Le chanteur fait même allusion à la série Game of Thrones qui, selon lui «connait un tel succès non pas parce qu’elle est moderne, mais parce qu’elle crée un monde différent d’une manière si fantastique et parfaite que vous vous y plongez et vous commencez à oublier que c’est faux. C’est de l’opéra ! ».
Philippe Gault