Fin de vie : « On ne pourra pas échapper un jour à une décision, il nous faut un cadre » affirme Gilbert Deray

Gilbert Deray était l’invité de la matinale de Guillaume Durand. Le professeur de médecine et chef du service de néphrologie à la Pitié-Salpêtrière a fustigé la stratégie sanitaire du gouvernement. Il a également livré un point de vue nuancé sur l’euthanasie alors que la « loi fin de vie » est débattue à partir d’aujourd’hui à l’Assemblée Nationale.

Covid-19 : « En tant que médecin je ne peux pas accepter 12 000 morts par mois » déclare Gilbert Deray

Gilbert Deray dit comprendre la réaction de méfiance de l’opinion publique face aux injections d’AstraZeneca mais souhaite tout de même rassurer face aux risques réels de thromboses qui semblent minimes : « les gens se demandent pourquoi ils se feraient vacciner par AstraZeneca alors qu’il existe d’autres vaccins aussi efficaces et moins toxiques ? (…) Je tiens tout de même à signaler la qualité de la pharmacovigilance, rien ne nous échappe (…) les précautions sont extrêmes ». Le professeur de médecine appelle donc à de la nuance de la part des gouvernements : « des pays ont continué à vacciner, c’est le cas de l’Australie, d’autres arrêtent tout (…) la France ou l’Allemagne ont mis un âge limite, car les cas thromboses observées n’adviennent qu’en dessous d’un certain âge ».

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Olivier Véran annonçait fin août 12 000 lits de réanimation, Emmanuel Macron, lui, promettait lors de son dernier discours 10 000 lits pour faire face à l’épidémie. Ces annonces sont totalement illusoires selon Gilbert Deray : « on ne va pas transformer en quelques mois 20 ans de politique en France, il faut du personnel pour créer des lits de réanimation ». Le professeur de médecine poursuit en alertant sur une possible dégradation des soins, « on pousse les murs certe,s mais un service de réanimation qui fonctionne à 150% de prodigue pas les mêmes soins qu’une réanimation qui fonctionne à 90% » et critique fermement une stratégie qui consiste à vouloir remplir des services « où 30% des patients vont mourir et les autres auront des séquelles ».

 

Gilbert Deray : « Regarder les courbes tous les deux jours n’a aucun intérêt (…) Je ne suis pas du tout satisfait des taux de contamination actuels, très élevés, qui sont un choix »

Alors que le dernier discours d’Emmanuel Macron laissait entendre un sortie de l’état d’urgence sanitaire à la fin mai avec la réouverture de certains lieux de culture, Gilbert Deray regrette que l’avis médical soit mis au second plan : « s’il décide de le faire, il le fera, mais ce n’est pas que je souhaite sur le plan sanitaire (…) on va ouvrir progressivement et puis il se passera ce qu’il se passera (…) les médecins là-dedans, on s’en moque (…) moi ce que je dénonce c’est le choix global ». Ce choix global est selon le professeur de médecine l’idée directrice du gouvernement pour gérer la pandémie : « tant que les hôpitaux tiennent, on y va, c’est ça le choix sanitaire français (…) quand on compare avec les pays qui ont eu la stratégie du zéro-covid je suis malheureux, ils ont gagné sur le plan sanitaire, sociétal et économique ». Gilbert Deray conclut sa réflexion en s’emportant contre la stratégie de l’exécutif : « en tant que médecin je ne peux pas accepter 12 000 morts par mois, des milliers de covid longs, 80% de déprogrammation et le risque d’un variant qui nous renverrait à la case départ y compris pour les vaccins »

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Euthanasie : « Des gens qu’on pensait condamnés ont vécu dans de bonnes conditions plusieurs années » affirme Gilbert Deray

Selon Gilbert Deray, « le débat sur l’euthanasie doit avoir lieu » et, alors que le projet de loi sur la fin de vie entre en discussions aujourd’hui à l’Assemblée Nationale, il affirme qu’il doit même « sortir du cadre strict de l’Assemblée, c’est un débat citoyen ». Le professeur de médecine affirme la nécessité « d’un cas législatif pour que chaque citoyen qui le désire puisse effectivement avoir un acte d’euthanasie sans risques (…) on ne pourra échapper un jour à une décision, il n’est pas logique que des gens qui souffrent aillent se faire euthanasier en Suisse ».

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Gilbert Deray qualifie « d’intéressante mais réductrice » la chronique de Michel Houellebecq déclarant dans le Figaro qu’il fallait euthanasier une société qui avait recours à l’euthanasie. S’il ne reprend pas à son compte les arguments du romancier, il nuance son propos et apporte lui-même la contradiction à l’euthanasie : « il faut trouver le juste équilibre, et juger la qualité de vie d’une personne pour ses dernières semaines (…) c’est difficile, un médecin n’a pas à juger si les derniers instants d’une personne valent ou non quelque chose (…) il faut aussi prendre en compte le progrès médical, j’ai vécu en 1995 l’arrivée des médicaments du HIV, j’ai plein d’exemples en tête d’individus qu’on pensait condamnés et qui ont vécus dans de bonnes conditions ».

Rémi Monti

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