L’affaire Damien Abad monopolise l’attention médiatique et se transforme en un véritable piège pour l’exécutif. Entre présomption d’innocence et respect de la parole des femmes, le gouvernement est face à une situation pouvant lui porter préjudice. La question est de savoir jusqu’à quand Emmanuel Macron pourra supporter cette position.
Emmanuel Macron a toujours considéré que les médias ne pouvaient pas condamner un ministre
L’affaire Abad vire au casse-tête politique pour l’exécutif et le coût est élevé pour Emmanuel Macron et sa majorité. En effet, plus qu’un casse-tête, c’est un piège pour l’exécutif qui en paie déjà le prix. Cette affaire dévore tout l’espace politique et médiatique, et a d’ores et déjà torpillé les débuts du gouvernement d’Elisabeth Borne. Depuis la nomination de son équipe gouvernementale on a parlé un peu du ministre de l’Education, Pap Ndiaye, et beaucoup de Damien Abad. On a très peu, voire quasiment pas, évoqué les autres ministres. Cela n’était évidemment pas l’effet espéré. Cette affaire est également un piège car le président sortant du groupe LR était une prise de guerre politique et un outil d’un nouveau démembrement de la droite. Le beau coup politique se transforme donc en boomerang symbolique. En effet, l’exécutif est bien embarrassé pour régler cette affaire.
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S’il choisit de faire comme si de rien n’était, il s’expose à l’accusation de ne pas prendre au sérieux la parole de femmes victimes d’agressions sexuelles. S’il renvoie Abad, il piétine la présomption d’innocence et accepte que les condamnations médiatiques ou politiques se substituent au travail de la justice, laquelle avait notamment déjà classé une des deux accusations visant Damien Abad. Emmanuel Macron et Elisabeth Borne doivent donc trouver des solutions et cette affaire pourrait bien être un premier cas de désaccord entre le président de la République et sa Première ministre. On sait qu’Emmanuel Macron est très soucieux du respect de la présomption d’innocence et qu’il a toujours considéré que ce n’était ni aux médias, ni aux opposants, ni même aux juges de dire qui peut être ministre ou qui ne peut pas l’être.
Au gouvernement, certains espèrent secrètement que Damien Abad soit battu dans sa circonscription
Elisabeth Borne elle est entrée dans une colère noire quand elle a appris cette affaire. Le 22 mai ses toutes premières déclarations allaient dans le sens d’une grande sévérité. Elle a laissé comprendre qu’il n’en fallait pas beaucoup pour qu’elle en tire les conséquences, c’est-à-dire pour qu’elle vire Abad. Elle lui a d’ailleurs dit ouvertement le 23 mai. Elle a été grandement contrariée par le fait que son ministre des Solidarités ne l’ait pas alertée. Sur le fond et en public la position du président et de la Première ministre est pourtant commune. Ils répètent que seule la justice peut dire ce qu’il en est. Pourtant certains pensent que si Elisabeth Borne veut afficher d’emblée son autorité, elle pourrait demander la tête d’Abad en pensant que Macron n’est pas en mesure de lui refuser.
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Cette situation pourrait tenir jusqu’aux législatives. En effet, dans la majorité et au gouvernement certains espèrent secrètement qu’Abad soit battu dans sa circonscription. Cela permettrait d’appliquer la jurisprudence qui consiste à dire qu’un ministre battu doit quitter le gouvernement. Ce moyen ne tromperait personne mais fournirait un prétexte pour dire que ce n’est pas Mediapart qui a eu la tête d’Abad. A l’inverse, beaucoup de candidats de la majorité font remonter leurs difficultés à faire campagne car on leur parle trop de cette affaire. Cela réclamerait donc un règlement plus rapide du cas Abad.
Guillaume Tabard