VISHNEVSKAÏA Galina

(1926-2012) Soprano

Galina Vishnevskaïa, épouse de Mstislav Rostropovitch, est sans doute la plus grande soprano lyrique de l’après-guerre soviétique. Engagée au Bolchoï à vingt-cinq ans, elle chante Verdi (Aida fut son opéra fétiche) et les opéras russes (sa Tatiana dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski reste une référence). Mais elle s’oppose bientôt au régime et quitte son pays en 1974 avec son mari. Son autobiographie, publiée aux Etats-Unis en 1984, est un remarquable témoignage sur la condition des artistes en URSS, mais aussi le récit d’une vie courageuse dans un siècle tragique, oppressant et pourtant riche en compositeurs et grands interprètes.

Galina Vishnevskaïa en 10 dates :

  • 1926 : Naissance à Leningrad (Saint-Pétersbourg)
  • 1944 : Débuts avec une troupe spécialisée dans l’opérette
  • 1951 : Engagée par le Bolchoï
  • 1955 : Mariage avec Mstislav Rostropovitch
  • 1969 : Création de la symphonie n°14 de Chostakovitch
  • 1974 : Départ pour les Etats-Unis
  • 1978 : Déchue de la nationalité russe
  • 1982 : Dernière scène à Paris dans le rôle de Tatiana (Eugène Onéguine de Tchaïkovski)
  • 1990 : Réhabilitation par le pouvoir russe
  • 2012 : Mort à Moscou

 

La célèbre chanteuse vit une enfance marquée par la pauvreté et la guerre.

Délaissée par ses parents, Galina Vishnevskaïa est élevée par sa grand-mère à Kronstadt, un port de la Mer Baltique tout proche de Saint-Pétersbourg. Elle possède une jolie voix, qui lui permet déjà à neuf ans de se faire applaudir à l’école pour l’anniversaire de la naissance de Lénine. Puis elle subit la guerre et les bombardements, dans une solitude et une pauvreté qui auraient pu la tuer. Seule éclaircie, elle tombe amoureuse d’un officier sous-marinier et décide de l’épouser à la fin de la guerre. Hélas, il sombre avec son sous-marin, la laissant seule, encore une fois. Elle travaille alors comme éclairagiste dans un théâtre de Leningrad. Elle épouse un jeune marin, mais qui ne supporte pas son talent de chanteuse et ne lui laisse que son nom : Vishnevsky.

 

Elle apprend le chant lyrique et devient la soprano vedette du Bolchoï.

Elle prend des cours privés de chant lyrique pour apprendre la technique. Son talent naturel convainc et elle obtient une place de soliste dans une troupe spécialisée dans les opérettes. Au contact de chanteurs plus expérimentés, elle se perfectionne dans le métier et épouse le directeur de la troupe. Après avoir passé des auditions à Leningrad, puis à Moscou, elle est engagée en 1951 par le Théâtre du Bolchoï. Elle devient titulaire des principaux rôles du répertoire. Sa carrière est lancée. Lors d’un déplacement à Prague, elle rencontre Rostropovitch qui lui fait une cour assidue et finit par l’épouser en 1955. Les années 1960 la voient chanter à New York, Londres et Milan. Mais elle est toujours étroitement contrôlée par le KGB, qui parfois l’empêche de voyager, comme pour la création à Coventry du War Requiem de Britten en mai 1962.

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Son amitié avec Chostakovitch traverse les difficultés et résiste à leurs différences d’attitude face au régime soviétique.

Chostakovitch écrit plusieurs œuvres pour sa voix, notamment le cycle de romances sur des poèmes d’Alexander Blok (avec accompagnement piano, violoncelle et violon) et sa Symphonie n° 14, créée à Leningrad en 1969. Son opéra Lady Macbeth de Mtsensk, qui avait été interdit en 1935 malgré son succès, fait l’objet d’un film trente ans plus tard, dans lequel Galina interprète l’héroïne Katerina Ismaïlova. Le récit du tournage, qu’elle nous livre dans ses mémoires est assez pittoresque, décrivant l’atmosphère très prude de l’époque, qui lui valut des lettres d’insulte. Les scènes « osées » ne le sont pourtant guère. Bien que plus intransigeante que lui face aux pressions du pouvoir, Galina reste fidèle à son amitié pour Chostakovitch.

Galina Vishnevskaïa dans la mélodie L’alouette de Glinka

 

Le couple Rostropovitch protège Soljenitsyne et l’héberge pendant quatre ans.

En 1969, les Rostropovitch accueillent l’écrivain dans leur datcha, le protégeant ainsi du pouvoir communiste. Mais, quatre ans plus tard, la publication à Paris de la version russe de L’Archipel du Goulag déclenche l’arrestation de son auteur, prix Nobel, et son expulsion d’URSS. Galina et Slava Rostropovitch, déjà inquiétés, sont privés de concerts et partent pour les Etats-Unis. Bientôt déchus de leur nationalité, ils ne retourneront dans leur pays qu’après leur réhabilitation par Gorbatchev en 1990. Souvent accompagnée au piano ou au violoncelle par son mari, Galina recueille dans ses récitals les plus vifs applaudissements et les éloges des critiques musicaux, comme en 1979 à la Salle Pleyel avec des mélodies russes dont elle est une interprète inégalée.

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De retour en Russie, Galina Vishnevskaïa fonde une académie et un concours qui portent son nom.

Sa dernière scène lyrique est à Paris en 1982 dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski. Une dernière fois Tatiana ! Sa voix exprime, au-delà de ses qualités techniques, toute une culture et une sensibilité forgées au fil d’une vie dramatique, traversée par l’histoire la plus dure, mais résistante et finalement achevée avec bonheur après la chute du mur de Berlin. De retour en Russie après 1990, elle encourage les jeunes chanteurs en créant à Moscou une académie puis un concours de chant. Redevenue proche du nouveau pouvoir russe, elle est associée à de nombreux honneurs et hommages, et s’éteint dans sa datcha de Moscou en 2012, cinq ans après Rostropovitch.

 

Philippe Hussenot

 

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